Aujourd'hui, c'était son jour de fermeture, en même temps, il peut fermer un peu quand il veut. Tout dépend des rendez-vous et ici ce n'est pas le genre de choses qui se bousculent au portillon. Du coup, il est assez libre et peut se prendre par-ci, par-là une petite après-midi pour lui. A son arrivée, il avait mis du temps à se remettre à travailler, trop touché par le décès de son père. Mais à présent ça fait six mois, la douleur et le souvenir s'estompe et il sait qu'il doit surpasser tout ça. C'est dans la nature, dans la logique des choses de mourir. Certes, son père était parti trop tôt, mais n'est-ce pas ce qu'on dit à chaque fois que quelqu'un disparait ? Ruki aurait pu repartir pour la Corée, mais il avait décidé de rester ici. Le temps qu'il règle les affaires de son défunt paternel et que finalement, il se laisse tenter par reprendre le garage pour avoir son propre business. Ce n'est pas avec ça qu'il deviendra riche, mais tant qu'il peut payer les factures, ça ira.

En ce début d'après, il se changea pour aller courir, un peu d’exercice ne lui fera pas de mal et la sueur le changera du cambouis. Le jeune homme décida de faire un grand tour, il ne doit pas se négliger et il est capable de courir à bonne allure pendant un moment. Les gens ne se poussaient pas toujours dans la rue et au bout d'un moment, ça peut être lassant de devoir crier des "attentions" pour pouvoir passer. Ses écouteurs dans les oreilles, il se laissait porter par un vieux son rock'n'roll qu'il avait trouvé il ne sait où. Le genre de musique ultra rétro qui date de l'ancien siècle qui a été injustement oublié alors que ce genre de son avait marqué l'histoire. Lui, il aimait bien, c'était beau, réfléchis et dynamique, différent de la musique électronique qui semble avoir bien moins de texture et de charme.

Alors qu'il courrait, un type sorti un peu de nulle part, il aurait pu l'esquiver s'il l'aurait vu plus tôt, mais là c'était mort. Sans le vouloir il le bouscula. Merde ! Putain de touriste, c'est ce qu'il pensa. Sa voix articula un semi-désolé par forcément très audible et il continua sa route. A quoi bon s'arrêter ? Ce type n'avait pas qu'à sortir de nulle part, il peut faire attention aussi. Mais voilà, le gars n'avait pas l'intention d'en rester là. Sans les écouteurs, il aurait pu l'entendre beugler. Ce n'est que quand il l'attrapa qu'il s'arrêta et le regarda d'un air interrogateur. Ruki fut obligé de retirer ses écouteurs pour écouter le mec. Le début de la phrase lui avait échappé vu qu'il avait à ce moment là encore la musique dans les oreilles. Il n'entendit que la fin, le morceau de phrase lui demandait ce qu'il foutait ici. Hein ? Est-ce qu'il s'adressait à lui comme s'il le connaissait ? Un sourcil se haussa, renforçant son air qui montrait qu'il se questionnait. "Vous êtes qui vous ?" demande-t-il s'en grande sympathie. D'ailleurs, il s'arrangea pour qu'il lui lâche le bras en faisant un mouvement brusque. "Aux dernières nouvelles, il n'est pas interdit de se balader dehors !" Shin ne savait pas trop comment s'y prendre avec ce type. Ça ressemblait à une sorte d'agression, mais pas totalement. Et maintenant qu'il voyait derrière lui les cartons sur le sol, il se disait qu'il l'avait mérité, car il avait bousculé ce type. "Désolé pour vos cartons, mais vous avez déboulé sans prévenir !"

Ce n'était qu'un accident, un simple accident qui ne mérite pas de lui courir après pour l'engueuler. Ça arrive à tout le monde de bousculer quelqu'un. Et puis, ce type n'avait qu'à faire attention, non ? En plus de ça, il n'aimait pas l'allure d'agression que prenait cette discussion. Est-ce qu'il avait besoin de lui attraper le bras ? Qu'il ramasse ses petits cartons et s'en aille, c'est tout ! Ruki s'excusa faussement, trouvant juste de dire que ce n'était pas vraiment sa faute, mais celle de ce type qui l'avait bousculé le premier par manque d'attention. C'était un peu injustifié de dire ça, mais il n'avait pas envie de perdre du temps à se faire pardonner auprès d'un inconnu. Et puis, il n'est pas fautif dans cette histoire. L'inconnu s'adressait à lui comme s'il le connaissait. Le jeune homme peut comprendre que certaine personne aime être familier avec les gens, mais là c'était quand même un peu trop. S'il pense pouvoir lui inspirer de la pitié pour obtenir des excuses, c'est qu'il se met le doigt dans l’œil jusqu'au coude !

Le type se ficha alors de ses cartons, disant prévenir il ne sait trop qui pour s'en occuper. C'est quoi ce mec ? Il le fait chier pour ça et à présent il s'en fout ? Autant dire que Ruki devient un peu plus méfiant, même s'il ne le montre pas tout de suite. L'homme mystérieux continua en disant qu'il révélerait son identité et ce qu'il sait sur Shin, à l'unique condition qu'il le laisse venir marcher avec lui. De nouveau, un sourcil suspicieux se leva. Est-ce que ce type serait par hasard en train de le draguer ? Ok, ça ne ressemble pas forcément à une tentative de drague, mais tout le monde n'est pas doué avec ça. C'est une approche comme une autre, bien qu'elle soit loin d'être parfaite. "Ok mec ! Écoute, je ne te connais pas. Je t'ai jamais vu de ma vie. Alors, essaie pas de m'embobiner. J'ai pas besoin de toi pour savoir quoi que ce soit sur moi ! Et franchement, je ne veux pas t'offenser, j'ai rien contre vous, mais voilà, j'suis pas gay ! Alors, trouve un autre pigeon !" dit-il simplement, mais avec fermeté tout de même. C'est qu'il ne va pas se laisser marcher sur les pieds par qui que ce soit. Pourtant, ses paroles raisonnaient au fond de lui. Pourquoi vouloir lui parler de lui ? Il ne peut pas nier qu'il avait souvent une impression que sa vie lui échappait, qu'elle n'était pas ce qu'elle devait être. Mais à chaque fois, il parvenait à se convaincre qu'il était bien ce petit garagiste et que sa vie était normale. "Je veux pas d'ennuis ! Au pire, je veux bien aider pour les cartons, mais oublie la balade !" Ruki doit bien reconnaitre qu'il a sa part de responsabilité dans la chute des cartons. Pour ça il peut aider, si au moins ça lui assure la paix après.

Cette histoire pourrait presque prendre la tête à Ruki. Lui, il ne demandait rien. Certes, il avait peut-être fait l'erreur de bousculer ce gars et ces cartons, mais lui aussi pouvait faire attention, non ? Oui, c'est clairement de la mauvaise fois, mais là, il n'avait pas pour autant envie d'être super sympa, encore plus quand le type lui prend la tête. Au bout d'un moment, il pensa même que ça pouvait être une tentative d'approche pour essayer de le draguer. Après tout, aujourd'hui tout est possible. Sauf que les mecs c'est pas du tout son truc, alors aussi mignon qu'il puisse être aux yeux des femmes, ça ne changera rien pour Ruki qui ne compte pas du tout changer de bord.

Au bout d'un moment, il veut bien concevoir que c'est franchement chien de laisser ce gars en galère avec les cartons et vu qu'il est quelque peu coupable dans l'histoire, il se doit de l'aider, même si ça ne l'enchante pas. Et là, le type... comment dire, c'est comme s'il lâchait une bombe. Ce mec qu'il ne connaissait ni d'Adam, ni d'Eve, était certain d'avoir déjà vu et de connaître Ruki. Ceci commençait vraiment à devenir étrange et pour un peu, il le ferait presque flipper. Est-ce que c'est genre un psychopathe ? Il était capable d'affirmer qu'il n'était pas gay. Bon, ça lui fait plaisir d'entendre ça, mais ça reste vraiment étrange. LE mec lui disait carrément qu'il ne l'avait jamais vu aborder des hommes, ce qui voudrait dire qu'il l'aurait suivi et vu draguer des filles. Wow ! C'est trop pour lui là ! Par sécurité, il fait un pas en arrière, prêt à riposter si besoin, parce qu'il n'aime pas du tout cette histoire à la con. Ce type affirmait vraiment le connaître, mais le plus fou pour Ruki c'est que son visage ne lui disait rien, c'était un inconnu qu'il croisait pour la première fois. Est-ce qu'il est en train de le stalker ? Si c'est le cas, il va lui casser la gueule et lui passer l'envie de l'espionner. Mais la suite était intrigante, il disait pouvoir lui apprendre des choses sur lui. En soit, c'est stupide, il connaît très bien sa vie, sauf qu'il ne peut pas nier qu'il a une étrange impression, cette impression que sa vie ne lui appartient pas, qu'elle n'est pas ce qu'elle devrait être. Alors oui, il était parvenu à éveiller sa curiosité. C'est sa dernière phrase qui l'interpellant, le frappant comme s'il se prenait en marteau en pleine tête. Il venait de dire qu'il était un braqueur de banque. WTF ! Ce rôle qu'il lui attribua, fit tout de même un drôle d'effet sur son corps, il ne pourrait pas le décrire, mais ça lui faisait penser à des choses qu'il pensait avoir entendu à la télé. Dans un premier temps, il resta silencieux, surpris, choqué et perdu. Ce type est en train de se payer sa tête, c'est ça ? D'un coup, il pensa même à une vulgaire caméra cachée, ce qui le força à regarder autour de lui, pensant voir un cameraman sortir d'un coup, mais rien. "Putain, mais t'es qui toi ? T'es qui pour me traiter de braqueur de banque ? J'suis garagiste ! J'ai jamais rien volé, hormis des bonbons quand j'étais gosse. Ça se fait pas d'accuser les gens comme ça !" lui lance-t-il perdu et ne sachant plus vraiment quoi faire. "Vous devez vous tromper de personne !" conclu-t-il en ayant envie de fuir loin. Pourtant, au lieu de bouger, il resta planté là, comme si un coin de son cerveau attendait d'en entendre plus.