Il y a une première fois à tout, n’est-ce pas ? Je ne suis pas fière de ce que je fais au quotidien, mais je n’ai pas le choix si je veux un minimum m’en sortir, surtout avec la police qui traîne dans le coin. Il est difficile de me trouver de l’argent. Si je fais la manche, on me reconnaît. J’en ai marre de faire du vol à l’étalage pour me nourrir, mais l’argent manquait à mon portefeuille. J’en ai marre de squatter, de m’introduire dans des appartements vacants durant quelques nuits… Je suis obligée de bouger régulièrement… Je fraude dans les transports en commun, le paquet d’amendes que les contrôleurs m’ont donné… Heureusement que j’ai une fausse carte d’identité, sinon j’aurai été conduis au poste de police ! Bref, la vie de fugitive, ce n’est pas la plus simple, mais j’ai appris des bons plans pour bien manger, dormir sans rien payer… Quoi que, si on est assez curieux, je pense qu’on peut s’en sortir. Je vis au jour le jour, c’est effrayant de vivre dans l’angoisse de se faire arrêter à n’importe quel moment. Il va falloir que je me trouve de l’argent… Avec ma fausse carte d’identité, je peux sûrement me payer un hôtel si je réunis l’argent nécessaire, ou des vêtements ? Il commence à faire froid, un petit manteau me suffirait amplement… Dans un coin de ma tête, j’avais une petite idée… Je savais certainement où trouver de l’argent, mais je n’étais pas sûre que cette idée fonctionne…

Je marchais avec détermination dans les rues de Kyul. Je portais une longue perruque brune sur la tête avec une casquette, mes vêtements sont abîmées… C’est pratique d’obtenir des échantillons de parfum dans les parfumeries, ça sert pas mal quand je n’ai pas pu prendre de douche pendant deux-trois jours, l’horreur. J’avais entendu d’un garçon, apparemment amnésique, ET célibataire, travaillant dans un bar. J’aimais bien traîner là-bas quand j’avais quelques pièces, je pouvais m’offrir une petite boisson alcoolisée de temps en temps, et écouter de la musique… En revanche, j’avais son prénom sur le bout de la langue… Son prénom était écrit sur son badge! J’espérais juste qu’il ne se rappèlerait pas de moi, car c’est lui qui me servait tout le temps…  Je m’inquiétais un peu à ce sujet, mais bon, j’ai besoin de cet argent, je vais aller au bout de mon plan.

J’arrivais devant le bar… J’arrangeai ma coiffure et j’ajoutai une touche de rouge-à-lèvre à mon maquillage… C’est pratique les testeurs de maquillage dans les magasins, non ?! Je pouvais rester féminine. Ce n’est pas la première fois que je faisais ça… Pour pas paraître ridicule, je décidai de me faire passer pour une ex, car s’il avait une copine, j’en suis sûr, il se serait rappelé ! Je rentrai dans le bar, avec mon sac à dos à la main. Des clients me dévisagèrent.

Je m’approchai du comptoir petit à petit, et j’aperçu ce fameux garçon dont j’ai entendu parler… Je dois mettre mon plan à exécution… Comment l’aborder ? Déterminée, je m’assis sur un tabouret du comptoir et l’interpella.

« Excuse moi… Ryuki, c’est bien toi ?! » disait-je en prenant une voix mélancolique, limite émouvante…

J’avais peur de la suite…  

Ryuki avait l’air très surpris par ma question… Après tout, c’est normal, il ne se rappelle pas de son passé… Chaque personne lui pose certainement la même question… En arrivant dans le bar, je trouvai un jeune homme très pensif, très concentré… Il me demandait si nous nous connaissions… J’improvisai mon plan… Je ne sais pas comment une personne amnésique réagit…

« Mais Ryuki… C’est moi… »… Je cherchai un prénom et un nom… Je me rappelai du nom de ma fausse carte d’identité… « C’est moi, Fukuhashi Ai, on est sorti ensemble il y a quelques temps… Tu ne te rappelles pas de moi ? » disait-je limite avec les larmes aux yeux. J’évitai de dire la durée exacte, je vais voir si Ryuki avait une petite amie ou pas…

Je m’assis sur le tabouret du tabouret tout en posant mon sac. « Désolé, je suis tellement fatiguée par tout ce trajet »… Quelle piètre comédienne dois-je être !!! Il me proposa quelque chose à boire…

« Je veux bien un… ». J’avais envie d’un verre de vin, mais bon, on va essayer de rester raisonnable… « Je veux bien un cappuccino s’il te plait… ». Je me permets de le tutoyer, puisqu’on est censé se connaître…

« Ca fait tellement longtemps, tu n’as pas changé ! » disait-je sur le ton de la mélancolie avec un grand sourire. J’espère que mon plan va marcher…