Tu te terrais dans l'ombre. Comme tu le faisais dès que tu étais en présence de ta sœur. Depuis qu'elle ne t'avais pas reconnue à l'hôpital, tu n'arrivais plus à lui faire face. La douleur qui traversait ta poitrine, le sentiment de perte... Tu n’arrivais pas à les supporter. Ton pire cauchemar s'était réalisé sans que tu ne puisses tien y faire. Tu supportais, veillant de loin. Tu avais peut-être l'impression que celle que tu considérais comme ta jumelle était morte, il n'en restais pas moins que cette fille qui n'était pas elle lui ressemblait bien trop pour que tu puisses simplement l'ignorer. C’est pour ça qu'actuellement, tu étais dans cette rue, à la suivre de loin. Tu regardais son dos, sa manière de marcher si familière et pourtant quelque choses avait changé. Tu étais derrière et non pas à ses côtés.

Baissant te tête, tu laissas tes cheveux te cacher quelques secondes. Juste le temps pour toi de reprendre une respiration, de souffler. D'essayer de comprendre. Quand tu l'as relevas, ce fut pour apercevoir ta sœur sur le sol, semblant avoir des difficultés à respirer. Tu avais beau te faire toutes les promesses du monde, tu ne pouvais simplement pas. Elle était trop importante, trop précieuse à tes yeux. Tu ne pouvais pas la laisser souffrir sans rien dire, sans rien faire. C'est pour ça que tu te retrouvas à ses côtés, t'accroupissant à côté d'elle. Tu posas une main sur une de ses épaules, la serrant dans tes bras sans t'en rendre compte, attendant que sa crise passe. Ça ne pouvait être qu'une crise... De quoi, tu ne savais pas, mais c'était dur pour toi de voir ta sœur dans cet état, sans rien faire. Tu passais ta main dans ses cheveux, chuchotant des mots sans queue ni tête, seulement pour elle. Seulement pour la rassurer.

« Tu vas mieux ? »

Tu sentais sa respiration se faire plus libre, moins entrecoupée. Tu devrais la lâcher. Tu ne devrais pas la tutoyer... Mais tu ne pouvais t'en empêcher. Elle représentait tellement pour toi. Elle était même tout : ton soleil, ta lune, ta moitié, ta vie... Sans elle, tu étais juste une coquille vide. Tu avais beau la tenir dans tes bras, tu craignais sa réaction. Tu ressentait déjà le coup de poignard inévitable qui te prendrait aux tripes parce qu'elle ne t'aurait pas reconnue. Mais tu l'aimais trop, tu était trop préoccupée par elle pour la laisser seule alors qu'elle allait mal.

Peu importe que ce ne soit pas ta sœur qui habitait ce corps.

Après le travail, Ah Yeon avait tout de suite pris la direction de son appartement. Elle était fatiguée, elle n’avait pas envie de trainer dans les rues de la ville, qui plus est, elle était tout de seule et n’était pas rassurée. Depuis un moment, elle avait la désagréable impression d’être suivie, elle ne tardait pas pour rentrer, surtout quand il faisait nuit noire. Comme ce soir. Soupirant un bon coup lorsqu’elle passa les portes de l’hôpital, elle s’engouffra dans la fraicheur nocturne, prenant la route pour repartir chez elle. Alors qu’elle arrivait dans une rue déserte et peu éclairée, elle sentit à nouveau cette présence dans son dos et elle serra la sangle de son sac à main alors que ses talons claquaient à un rythme rapide contre le bitume.
Néanmoins, alors qu’elle continuait de marcher pour atteindre une autre rue plus éclairée et plus passante, elle sentit une douleur au niveau de sa tête alors qu’une image passait devant ses yeux. Une autre image la suivit et, la jeune femme ferma les yeux alors qu’une scène se déroulait dans sa tête. C’était comme un souvenir qui remontait. Elle voyait ces personnes qui l’ont accompagnées alors qu’elle grandissait, mais surtout, elle la revoyait elle. Elle revoyait cette fille qui avait toujours été ses côtés. Ah Yeon se rappelait qu’elle la considérait comme sa sœur, si ce n’est comme sa jumelle alors qu’aucun lien de sang ne les unissait. Cependant, elle n’arrivait pas à se souvenir du nom de cette jeune fille ni à distinguer son visage qui restait flou.

Avant qu’une autre image ne lui revienne en mémoire, l’ancienne tueuse sentit ses jambes la lâchaient et elle ne put se rattraper au mur. Elle reprit ses esprits bien trop tard, une fois sur le sol. Ah Yeon eut dû mal à se remettre de ce qu’elle venait de voir, comme l’autre soir avec Hae Ri, elle ne comprenait pas ce qui lui était arrivé mais, cette fois-ci, elle n’arrivait plus à respirer correctement et sa tête lui faisait un mal de chien. Elle n’arrivait pas à comprendre mais, surtout, elle se sentait mal et mit du temps à se calmer.
Ce fut seulement lorsqu’elle sentit cette présence à ses côtés que son cœur s’apaisa, de même que sa respiration. Fébrilement, elle tourna la tête pour regarder la personne qui lui était venue en aide et, instinctivement, elle posa sa main sur celle qui ne se trouvait pas sur son épaule. Elle ne savait pas si elle allait réussir ou non à parler… Elle devait essayer au moins.

« Je… Je vais bien… Enfin, je crois… Je ne sens plus mes jambes… »

Ah Yeon n’arrivait pas à parler de manière fluide ni à assembler ses idées. Elle ne voulait pas inquiéter cette inconnue mais n’arrivait pas à faire comme si elle allait bien…

Elle était au plus mal actuellement.

Le temps avait passé depuis ce fameux jour. Depuis cet instant où on t'avait arraché ta sœur, ça avait été un combat de tous les instants, jusqu'à ce que tu l'as retrouve et que ton cœur soit déchiré en deux. La douleur, au fil des heures passantes après ta découverte, c'était muée doucement en colère, puis en haine. Elle avait consumé ton esprit, et tu avais fait cette promesse : celle de trouver les responsables et de mettre à feu leur travail qui t'avait volé l'être le plus cher de ton cœur. Mais malgré tout, tu ne pouvais pas t'en empêcher, tu surveillais l'enveloppe corporelle de ta sœur, cette personne qui lui ressemblait tellement, ce qu'elle serait sûrement devenu sans votre père adoptif.

Aujourd'hui encore tu l'avais suivi et à présent, tu ne regrettais pas ton geste. Si tu n'avais pas été là ce soir, tu ne te serais jamais retrouvée dans cette situation, cet instant où tu pouvais serrer ta sœur dans tes bras, ce qui n'étais pas arrivé depuis si longtemps. Pour la première fois depuis un temps si long, tu pouvais sentir son corps dans tes bras, son parfum dans tes narines. Tu pouvais la réconforter et quand sa main se glissa dans la tienne, délicatement, chose si éloignée de la toi sanguinaire, tu serras ses doigts dans les tiens. Ses yeux se plongeaient dans les tiens et la déchirure s’agrandit, brisant un peu plus ton cœur. Comme du cristal, tu l'entendais tinter dans ta poitrine, tu sentais les millions de bouts qui l'avaient formés s'éparpiller partout et laissé des traces brûlantes et douloureuses. Elle ne te reconnaît pas. Ta tête se baissa, cachant ton visage délicat derrière un rideau de cheveux. Un léger sourire triste passa sur tes lèvres, seule preuve de ta tristesse, de ton désespoir un peu plus profond chaque jour. Tu allais finir par te noyer. Tes mains se détachèrent de son épaule et sa main, brisant ce contact devenu insupportable en quelques secondes. Doucement tu passas ses mains sur ses jambes, vérifiant les réflexes, la flexibilité avant de prendre la parole d'une voix que tu utilisais en général avec ton masque. Ce masque qui était maintenant sur ton visage.

« Je pense que c'est juste le choc qui vous empêche de les bouger. Attendez quelques instants, ça passera. »

Tu te relevas en silence, gracieusement, cette sensualité constamment présente dans tes gestes. Pour la première fois, tu cherchais à fuir, tu souhaitais t'éloigner d'un autre corps humain, toi qui recherchait tant leurs contacts d'habitude. Tu avais tellement mal. Tu bouillais tellement de haine envers ses personnes qui t'avait prit la chose la plus précieuse que tu avais.

« Vous savez ce qui a provoqué cela ? Ça vous est déjà auparavant ? »

Ta voix atone résonnait entre vous deux, t'éloignant un peu plus d'elle. Mais c'était finit, tu n'espèrais plus rien. Plus jamais tu ne croirais à une rédemption ou à un miracle.

C’était la première fois que Ah Yeon appréhendait tellement le retour à la maison. D’un naturel plutôt optimiste et ayant une vie assez plate, elle avait rarement connu le danger qu’elle fuyait comme la peste. Surtout après ce soir d’Halloween où elle s’était retrouvée à fuir un clown psychopathe avec Young Jae. Elle avait fait en sorte de rester bien à l’abri, se concentrant sur son travail d’infirmière mais, depuis quelques semaines, elle n’était plus tranquille. Elle avait l’impression qu’on la suivait, qu’on la traquait et elle pressait le pas à chaque fois qu’elle était dehors seule. Elle avait peur qu’on la stalke, qu’on veuille lui faire du mal. Néanmoins, le danger ne vint pas de quelqu’un d’autre mais d’elle, ou plutôt de son esprit. En effet, alors qu’elle était dans une ruelle, un flash envahit son esprit et elle dût s’accroupir pour ne pas tomber. Sa respiration se coupa alors que sa tête commençait à lui faire vraiment mal. Lorsqu’elle sentit une présence à ses côtés, elle ne ressentit aucune peur, elle n’avait plus les idées assez claires pour avoir peur à vrai dire.
La voix de l’inconnue à côté d’elle raisonna dans ses oreilles et l’infirmière fit un effort pour écouter ce qu’elle lui disait mais aussi pour lui répondre. Elle était tellement sonnée qu’elle ne savait plus du tout comment réagir à tout ça. Cependant, elle arriva à articuler quelque chose mais aussi à essayer de suivre les conseilles de la jeune femme à côté d’elle. Jeune femme qui semblait mettre une distance entre elle mais Ah Yeon ne le remarqua pas. Elle était tellement ailleurs que lorsque l’inconnue se releva, elle prit son poignet avant de l’imiter. Ses jambes tremblaient, elle était en équilibre précaire mais elles tenaient bon pour le moment.

« Je… Ça m’est déjà arrivé oui, une seule fois, il y a longtemps. Ce sont comme… Comme des flashs qui apparaissent et qui… Hum… »

Ah Yeon s’arrêta dans sa phrase, le temps pour elle de trouver les bons mots pour réussir à expliquer la situation. Elle avait tellement mal à la tête que c’était comme si elle entendait son cœur battre dans ses oreilles, ce qui rendait la réflexion assez difficile.

« Ce sont comme des images, comme une histoire qui est racontée, un peu comme quand on rêve ou qu’on imagine une scène. Sauf que là, c’est un peu plus soudain, un peu plus violent et on dirait que c’est réel… Comme un souvenir… »

A ces mots, la jeune femme fronça les sourcils. Un souvenir… Etait-ce possible que ce soit un souvenir ? Non, elle n’avait jamais eu d’accident et si elle était réellement amnésique, la vie qu’elle avait aujourd’hui ne lui semblerait pas logique. Elle ne pourrait pas se souvenir de ses moments avec ses parents ou encore de ses cours lorsqu’elle étudiait pour être infirmière.

« Mais ça ne peut pas être ça… Enfin, ce serait étrange que ça soit ça… »

Après avoir secoué sa tête pour essayer de remettre ses idées en place, elle reposa son regard sur la femme face à elle. Pourquoi son visage lui semblait si familier mais si inconnu à la fois ?

« Je suis désolée de vous déranger avec mes interrogations… Je n’ai pas fait exprès, la situation m’a tellement perturbée… Je m’appelle Jeong Ah Yeon. »

Elle offrit un sourire maladroit à celle qui lui était venue en aide avant de mettre sa main devant sa bouche pour retenir un haut de cœur. Son mal de tête lui donner une désagréable envie de vomir et elle espérait que l’inconnue ne remarque rien…

Dans la pénombre de la ruelle, tu regardais celle qui était ta sœur. Elle ne se rappelait peut-être plus de toi, mais à tes yeux, elle serait à jamais ta sœur. C'est bien pour ça que tu n'arrivais pas à arrêter de la suivre, bien que l'envie était présente. Envie de ne plus souffrir, souhait profond d'essayer de tourner la page. Mais certaines choses occupent tout l'espace, l'amour que tu avais pour ta sœur était quelque chose de ce genre. Tu ne pouvais te résoudre à l'abandonner, et c'est bien pour ça qu'à présent tu étais plus prêt d'elle que tu ne l'avais jamais été depuis votre séparation. Tombée devant tes yeux, tu n'avais put laisser ta sœur seule, et ce, même si tu savais que tu allais douloureusement souffrir de ce fait.

Tu ne t'étais pas trompée, tu avais rarement tort de toute façon. Ton cœur venait de se briser un peu plus, même la main glissée entre tes doigts pâles t'étais insupportable. Tu n'étais qu'une étrangère pour celle qui était tout pour toi. Tu n'étais rien de plus qu'un visage inconnu. Ton cœur ne le supportait pas, ton esprit non plus. C'est sûrement pour cela que tu te levas, peut-être un peu brutalement, pour couper court à tous contacts inopportuns ? Tu n'avais simplement pas prévu de devenir le point d'ancrage de ta sœur, celle sur qui elle s'appuyait. Ton corps bien trop peu couvert, c'était tendu. Son contact, son corps prêt du tien, ça affolait ton cœur, affolait tes sens, alors que son odeur que tu connaissais encore par cœur emplissait tes narines. Pourquoi est-ce que cela devait être aussi dur ? Pourquoi devait tu subir tout ça ? Plus le temps passait, plus tu ne souhaitais qu'une chose : pouvoir venger efficacement et définitivement ta sœur. Avant de partir pour de bon ?

Mais il y avait toujours cette trace de curiosité présente en toi, cette envie malsaine de comprendre. Oh, il semblait que tu aimais te faire souffrir, puisque même si ta tête te hurlait de courir loin, très loin de ce démon aux traits de ta sœur, tu restais à ses côtés et demandais des renseignements. Tu voulais savoir si cela c'était déjà produit avant. Comprendre pour peut-être trouver une solution, pour peut-être la retrouver, ta sœur, ta moitié. Pourtant, alors qu'elle te répondait ton souffle se coupa légèrement, seul émanation physique du trouble qui t'agitais à présent. Était-ce même possible ? Ce que décrivait Ah Yeon, c'était ce que tu espérais depuis tellement de temps, ce que tu voulais. Qu'elle se rappelle de qui elle était en réalité, d'où elle venait, qui tu étais. Si elle pouvait se souvenir, alors rien n'était finis.

« Des souvenirs vous dîtes ? Comme une histoire que vous connaîtriez, mais dont vous ne vous souviendrez pas ? »

Ce n'était pas dans tes habitudes de faire la causette, de rester comme un pilier devant quelqu'un qui en avait besoin. Mais la jeune femme que tu assurais d'une poigne forte, pour ne pas qu'elle retombe sur ses pieds, c'était tout pour toi. Elle était ta vie. Sans elle, tu n'étais qu'une coquille vide et maintenant, maintenant que peut-être un espoir se profilait, tu ne voulais pas le laisser filer, et ça, même si tu devais jouer avec ton caractère. Parce que la Ah Yeon en face de toi ne pourrait jamais trainer avec la toi, la vraie, celle que tu étais sans masque. Mais pour les yeux de ta sœur, pour son bonheur tu te savais prête à tout. Prête à porter un masque d'innocence même s'il le fallait.

« Vous savez, il n'y a rien d'étrange à partager ses interogations. Au contraire, ça peut-même vous aider à mieux comprendre ce qui vous arrive. Mais si c'est régulier... Vous devriez faire attention à vous, ça peut-être dangereux ! Imaginez, vous faites un malaise dans la rue ?! »

Certainement que tu en rajoutais, mais tu voulais qu'elle se confie à toi, tu voulais qu'elle te demande plus que ce rien qui était votre relation depuis son arrestation. C'était égoïste, surtout que maintenant Ah Yeon ne se souvenait plus de toi, mais tu avais besoin d'elle. Même si la réciproque n'était plus vraie.

« Ne vous en faite pas pour moi ! Vous ne me dérangez pas, ce n'est pas de votre faute si vous avez fait un malaise quand même. Je rentrais du travail de toute façon, et je préfères savoir que j'ai put aider quelqu'un. Vous pouvez m’appelez Ah Young si vous souhaitez. »

Ta voix était douce, un sourire posé sur tes lèvres. Même s'il n'atteignait pas tes yeux, au fond, cette parodie de relation qui semblait débuter, c'était tout ce queu n'étais pas prête à ça, à te sentir de nouveau avec une famille, avec ta famille, alors qu'elle n'était pas totalement là. Qu'elle ne serait peut-être jamais totalement à tes côtés.

« Si ça ne vous gênes pas, j'aimerais bien vous raccompagnez chez vous... Vous avez l'air encore faible, je n'aimerais pas que vous refassiez un malaise. »

C'était un pieu mensonge. Mais tu ne voulais pas la quitter, c'était trop dur. Paradoxal comme l'envie que tu avais de la fuir quelques secondes auparavant c'était retrouvée réduite à néant quand elle t'avait expliqué qu'elle voyait des souvenirs. Quand une porte que tu croyais fermée c'était ouverte. Peut-être que le ciel n'était plus si noire, peut-être qu'une petite lune, encore bien voilée pouvait commencer à y briller. Alors tu allais tout faire pour la voir briller, quitte à te rapprocher de ta sœur et en souffrir. Tout, tant que tu la retrouvais au bout du chemin.

Cette sensation de revoir un souvenir qui ne coordonnait pas avec le passé qu’elle connaissait était plus qu’étrange. Elle se sentait mal, comme si elle avait fait un malaise à cause du choc et elle remerciait vraiment cette inconnue qui lui semblait familière mais elle ne saurait dire où est-ce qu’elle avait pu la voir ou la rencontrer. Certainement, à l’hôpital en tant que patiente, c’était tout à fait probable en sachant le nombre de personnes dont elle s’occupait chaque jour, espérant ainsi rendre le travail des médecins moins pénibles. Ils travaillaient beaucoup selon Ah Yeon qui faisait vraiment tout pour leur facilité la tâche au maximum. Etait-ce un des contre-coup de la fatigue qui lui causait des hallucinations ? C’était difficile à dire mais tout de même possible. Ne voulant pas garder cela pour elle, elle en parla avec cette femme qu’elle ne connaissait pas et fut agréablement surprise par l’écoute dont elle faisait preuve, souriant légèrement à cette attention, finissant par baisser la tête. Elle humecta ses lèvres avant de se morde la lèvre inférieure, cherchant un moyen d’expliquer à cette inconnue ce qui venait de lui arriver, mais ce n’était pas facile et elle releva les yeux pour tenter de lui faire un semblant d’explication.

« En fait, ce serait comme des hallucinations, des images voulant remplacer les souvenirs que j’ai de ma vie passée pour me construire une nouvelle vie, une nouvelle identité. C’est vraiment étrange et indescriptible comme sensation mais, surtout, c’est très perturbant. »

Plus elle parlait, plus sa voix faiblissait pour ne devenir qu’un souffle à la fin. Souffle, cependant, audible pour la personne qui lui faisait face. Bizarrement, bien qu’elle n’ait pas souvenir de la connaître, elle se sentait rassuré par sa présence et l’appréciait fortement. Elle n’avait pas envie de fouiller dans sa mémoire pour savoir si elle avait pu la voir autre part, n’ayant pas envie de prendre le risque d’affronter de nouveau démon. Une fois lui avait largement suffi.

« C’est peut-être simplement de la fatigue ou de l’anémie, je ferais une prise de sang après-demain, avant d’aller travailler et demain je me reposerai. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis infirmière et j’ai pas mal d’années d’expérience, la fatigue nous fait parfois avoir des faiblesses mais ça ira. Il n’y a vraiment aucune raison de vous en faire. »

Elle essayait d’être rassurante malgré son mal de tête et cette envie de vomir qui lui prenait, lui faisant avoir un haut le cœur qu’elle espérait être discret. Elle inclina poliment la tête lorsque sa sauveuse se présenta comme s’appelant Ah Young.

« Vous êtes vraiment adorable, nous ne nous connaissons pas mais vous m’aidez mieux que quiconque. Merci beaucoup. D’ailleurs, c’est amusant mais… Ah Young, Ah Yeon, ça se ressemble énormément, il ne manquerait plus que votre nom de famille soit Jeong et on pourrait presque penser à l’homonymie… Désolée, je raconte n’importe quoi, dit-elle avant de rire légèrement. »

Raconter des bêtises l’aider à oublier son malaise ainsi que son mal de tête. Ah Yeon souffla un bon coup avant de regarder sa vis-à-vis, plutôt surprise par sa proposition et pinça ses lèvres pendant qu’elle réfléchissait. Finalement, elle acquiesça rapidement.

« J’en profiterai ainsi pour vous remercier avec une boisson… Et ne refusez pas, je vous dois bien cela même si ce n’est qu’un verre d’eau. »

Prenant sur elle, l’infirmière essaya de faire un pas mais ses jambes tremblaient trop et, avec une moue désolée, elle se tourna vers Ah Young.

« J’habite à quelques rues de là mais… Hum… Pouvez-vous m’aider à les traverser ? J’ai l’impression que mes jambes vont me lâcher à tout moment. »

Elle baissa la tête, se sentant honteuse de se montrer dans cette position de faiblesse devant la jeune femme.