Rentrés de leur sortie au restaurant avec un pot de pop-corn, les deux cousins s’étaient douchés puis changés afin d’être dans une tenue plus confortable pour pouvoir regarder le film qui semblait intéresser Mariko. Tout propres, ils s’étaient installés dans le canapé après avoir réchauffé le maïs soufflé acheté précédemment. La télé allumée, le programme trouvé, la nourriture entre deux, le silence tomba dans le logement, seulement entrecoupé par le bruit de la télévision. Bien que ce qui avait été annoncé par sa cousine avait l’air intéressant, il ne trouvait pas le scénario folichon et les acteurs, n’en parlons même pas. L’adepte des explosifs ? Maquillée comme une voiture volée. Le pyromane ? Il n’arrivait même pas à allumer le gaz chez lui. Puis des clichés à volonté. Bref, si au début il avait été surpris de savoir que ce genre de film sur une île connue pour « son calme », il avait compris que finalement ce film n’incitait pas à la violence et comportait une morale que les producteurs pouvaient se mettre où il pensait. Min Sook avait beau être patient, qu’on joue ainsi sur les clichés sans chercher à comprendre par quoi passaient tous les criminels, ça avait le don de l’agacer. « Je suis désolée de te dire ça Riko, mais ceux qui ont produit ce film ne s’y connaissent absolument pas. Déjà quand tu vois les décors c’est limite mais en plus les clichés… Non. Tu sais quoi ? On devrait leur donner une bonne leçon d’explosive ou d’incendie. » Il avait dit ça avec un air détaché sans lâcher l’écran des yeux, comme si cela était tout à fait normal en prenant une poignée de pop-corn qu’il mâcha consciencieusement. « Non mais regarde-moi un peu cet incendie-là, on sent qu’il n’y a aucune âme, aucune émotion, il est juste là pour le scénario et ça se sent. Faudra leur montrer la beauté que les flammes peuvent avoir. » A cette pensée, le jeune homme se mordit la lèvre inférieure pouvant tout à fait imaginer cet incendie dans sa tête. Il adorait le feu, certes moins qu’il pouvait adorer Hyun Su ou même Mariko mais pouvoir admirer ces couleurs rouge-orangé étaient un réel plaisir pour lui. Il soupira légèrement et arqua un sourcil lorsqu’il y eut une scène d’explosion avant de lever les yeux au ciel. « Tiens, toi qui adore les explosions, tu trouves que c’est réaliste ? » Demanda-t-il calmement, une pointe d’agacement tout de même perceptible dans la voix.

‘‘- Je suis déçue.’’

Et ce n’était rien de le dire. Les explosions n’étaient même pas réelles, simplement des imagination fantastiques sur un fond vert. Mariko avait vu des bandes annonces toute la semaine pour ce stupide film. Tout cela pour ça. De frustration, sa main se fraya un passage dans le pot de pop-corn posé stratégiquement entre elle et son cousin. Mariko eut envie de dire à son cousin qu’il était difficile pour un feu d’avoir de l’émotion mais se rétracta. Elle n’était pas suffisaient initié à cet art pour le comprendre. C’est la même chose que l’art contemporain, les incendies. Son cousin lui demanda son avis sur les ‘‘explosions’’. Elle n’eut qu’un mot.

‘‘- Fond vert de piètre qualité.’’

Bon certes, cela faisait cinq, mais Mariko se sentait bavarde en cette soirée.

‘‘- J’ai l’impression que même la fiction nie l’existance de la criminalité sur cette île. C’est bizarre. Je vois mon existence niée par un téléviseur.’’

C’était également plutôt insultant. Même la fiction ne voulait accorder aucune place à Mariko, la traitant plus comme un élément comique qu’un réel danger. Le prochain sujet entre les deux cousins fut tout trouver. Mariko se retourna soudainement vers son cousin, les sourcils froncés.

‘‘- Sookie, explique-moi. Tu es sur cette île depuis plus longtemps que moi. Pourquoi tout le monde est heureux ? Pourquoi il n’y aucun accident ? Pourquoi quand je commet quelque chose personne n’en parle, hormis ce drôle de corbeau ? ’’

Mariko était perdue. L’île était si parfaite … et si horrible à la fois. Mariko avait besoin d’explication. Avec son cousin, elle était sûr de les trouver.

‘‘- Sookie … il se passe quoi à Aikoyangi au juste ?’’

L'adolescente trouvait cela étrange qu’elle subisse comme pas hasard une perte mémoriel après son arrestation. Cette même perte mémorial avait gommer toute trace de son mal-être et de ses méfaits … comme c’était arrangeant. Mariko avait trouvé sa place naturellement sur Aikoyangi, comme si cela avait été sa destiné et cela devait être comme ça. Mais quand elle avait retrouvé la mémoire, tout c’était effondré comme une punition divine la punissant de son affront. Mariko n’en n’avait que faire de punition divine ou de dieu, ce qui l’intéressait c’était de comprendre. Son esprit tout entier était curieux et elle ne croyait pas au hasard. Son cousin s’était retrouvé dans la même position de hasard qu’elle. Sauf que sur Aikoyangi le hasard est une notion toute relative.

C’était plutôt triste à se dire mais cette soirée qui devait se faire devant un merveilleux film se faisait finalement devant un truc ennuyeux où il y avait seulement une intrigue très clichée avec des effets spéciaux de piètre qualité. Un soupir passa les lèvres de Min Sook alors qu’il secouait doucement la tête pour chasser son envie d’aller allumer un feu devant le studio de production… Ou alors devant la maison du producteur, tant qu’il savait à quoi ressemblait un vrai feu ça devrait aller. Finalement, le jeune homme préféra oublier l’idée pour éviter d’avoir des soucis mais aussi parce qu’il savait qu’il devrait aller loin et faire certains frais qui n’étaient ni fait ni à faire. Il reporta son attention sur sa cousine en apportant un verre de thé glacé à ses lèvres pour en boire un peu. « Je vois aussi la mienne niée par tout ce qui passe à la télé, c’est comme si tout était contrôlé pour ne pas que la réalité soit montrée aux habitants. Comme s’ils filtraient ce qui peut et ne peut pas être montrés… » Un peu comme une dictature en fait, et même s’il ne disait pas ce mot, il était sous-entendu mais sa cousine avait dû le comprendre. Attentivement, il écouta sa cousine, haussant cependant les épaules avec une expression plutôt ennuyée sur le visage. Il n’arrivait pas à avoir une réponse précise à cette question, ce qui était aussi bien frustrant que curieux puisque cela voulait dire que quelque chose devait se tramait sur cette île. « J’en sais rien, enfin, j’ai remarqué des choses étranges mais rien qui explique ce qu’il se passe réellement. Approche. » Il lui fit donc signe de se rapprocher pour pouvoir lui confier ce qu’il savait sans risquer d’être entendu. Ils étaient peut-être à l’abri chez lui, il préférait rester prudent pour être certain qu’il n’y aurait pas de problème. « C’est comme si les gens avaient oublié leur vie passée. Prends Hyun Su par exemple, il est persuadé qu’il sort avec sa copine depuis le lycée alors que je sais parfaitement que c’est impossible… Mikan ne doit pas non plus se douter que c’est complètement faux et est persuadée de la même chose. » Même s’il détestait cette femme pour sa relation avec le gérant d’hôtel, il ne pouvait pas rejeter toute la faute sur elle même s’il le souhaitait. « C’est comme si d’autres souvenirs leur avaient été implantés mais c’est complètement absurde comme idée. » Pour appuyer ses dire, Min Sook secoua doucement la tête. « Je pense aussi à une théorie du complot pour nous faire devenir chèvre, ce qui semblerait bien se rapprocher de la réalité. Voir combien de temps on peut garder notre véritable nature à l’intérieur de nous. »

Mariko s’installa plus confortablement à côté de son cousin. Pourquoi éprouvait-il le besoin de lui parler de façon aussi proche alors qu’ils étaient les seuls à vivre dans cet appartient ? Mariko en avait aucune idée. Mais la grande adolescente se retrouvait dans les propos de son cousin.

‘‘- Tu penses que …’’

Comme si une ampoule avait son apparition dans sa tête, la solution s’éclaira presque naturellement.

‘‘- Min Sook, j’ai lu dans un journal scientifique il y a quelques semaines que les recherches actuelles pouvait permettre à l’aide d’injection l’oubli d’un traumatisme. Si la science est capable de le faire avec un traumatisme, elle serait capable de le faire avec … nos souvenirs ?’’

Tout s'accéléra dans le cerveau de la blondinette.

‘‘- Qui nous dit qu’ils n’ont pas mis au point une injection pour nous incorporer des souvenirs ?’’

Son cousin la fixa un moment, ne croyant pas ce qu’elle venait de dire. Il devait penser qu’elle avait vraiment besoin de dormir. Mais Mariko disait la vérité. Elle savait la vérité. Plus que personne sur cette pile, la science et elle ne faisaient qu’un. Alors elle courra dans sa chambre prendre une feuille, le fameux article de journal et un crayon de papier. Elle se jeta sur la table basse et commença ses calculs. Des intitulés impossibles à comprendre avec des retenus compliqués s’enchainèrent sur la feuille pour finalement arriver à une équation. L’aiguille avait fait quelques tours sur l’horloge du salon mais Mariko ne le remarqua pas. Son cousin avait également du se retenir de bailler un nombre certain, de peur de déranger sa cousine ou simplement par politesse, ou bien un mélange des deux. Fière, elle tendit la feuille de bilan chimique à son cousin. Il y avait encore des liquides inconnues qu’elle avait du renommer mais théoriquement parlant, ça tenait la route. Sur la pratique, elle ne savait pas. Il faudrait qu’elle teste sur un animal. Elle n’aurait qu’à concocter ça dans les laboratoires de l’université. Là-bas elle trouvera a coup sûr le matériel nécessaire. Quand au cobaye … Le chien de Lily serait parfait. Min Sook semblait avoir abandonner la lecture de la feuille alors Mariko prit la parole.

‘‘- Je sais que ce que je te dis à l’air fou mais si en théorie on peut le faire ...’’

Avec trois liquides dont la compositions étaient encore mystérieuses, certes.

‘‘- ... c’est que la pratique peut suivre.’’

Mariko prit place à côté de son cousin et lui prit les mains.

‘‘- Je ne te l’ai jamais dit mais … avant que tu me trouves dans ce parc. J’ai fait exploser un labo au lycée. Ça, ce n’est pas bien grave. Ce qui est important, c’est que je l’ai fait explosé par maladresse, alors qu’un flash de souvenirs m’a assiéger. Mes souvenirs, je les ai retrouver à ce moment là. Avant j’avais l’impression d‘être simplement en échange éducatif. Que Maman et Papa m'aimait. Que tout le monde m’aimait. Que jamais la vie avait été aussi parfaite.’’

Peut être que son cousin avait lui aussi eu des souvenirs imposés ? Il ne lui en avait jamais parlé.

‘‘- C’est complètement fou, Min Sook. C’est totalement fou. Je ne sais même pas comment des scientifiques peuvent être autoriser à faire ça mais … mais, serait-il possible qu’ils l’aient fait ?’’

Mariko avait la preuve sur cette possible sur cette feuille. Cette maigre couche de cellulosiques végétales. A l’heure actuelle, même si idée était complètement folle, c’était la solution la plus probable.

Bizarrement, bien qu'ils fussent seuls dans cet appartement, parler à voix haute de ce qu'il se tramait sur l'île, de son ressenti et de leurs théories, semblait improbable pour Min Sook. Il regardait Mariko qui semblait réfléchir, se demandant ce qu'il pouvait se tramer dans cette jolie tête blonde. Il poussa sa langue sur le côté dans sa réflexion avant d'écouter attentivement sa cousine. Il entrouvrit la bouche comme si sa déclaration changeait entièrement la vision du monde du coréen. Ce qui était vrai en soit. Il avait pensé à une amnésie collective mais maintenant que la jeune femme en parler, la thèse du sérum était tout à fait possible, voire même très probable. Mais, dans son esprit c'était totalement infaisable et il regarda longuement sa cousine. « Je ne sais pas. » Il était dubitatif, cela devait s'entendre dans son ton ainsi que dans son regard. Il vit la blonde se lever pour aller dans sa chambre et, alors qu'elle gribouillait sur une feuille il réfléchit longuement.
Hyun Su n'avait pas pu l'oublier consciemment et remplacer une partie de sa vie par des choses fausses comme sa relation avec Mikan. Celle-ci semblait aussi blanche dans cette histoire bien qu'elle soit la femme à abattre numéro 1 à ses yeux. Il y avait Hae Ri aussi qui semblait avoir tout oublié de sa vie en Corée pour s'en inventer une autre. Lui-même avait vécu cette expérience avant que son regard ne croise celui de son âme-sœur.

Il secoua la tête en voyant une feuille sous ses yeux et revint à la réalité pour essayer de déchiffrer le nom de ces produits chimiques. « Il faudrait des années de travail pour ça et je pense que si ça existe, tout a été fait dans le plus grand des secrets. » Mais pourquoi ? C'était une très bonne question. Pourquoi faire tout ça, quel était l'intérêt de faire un tel produit ? Il écoutait attentivement l'histoire de sa cousine, se retrouvant dans ce qu'elle disait. « J'ai vécu la même chose. J'étais libraire, j'avais complètement oublié Hyun Su ou même toutes les brimades qu'on a pu avoir auparavant au lycée. Le fait qu'on ait mis le feu, qu'on ait voulu vivre en cavale avant de se rendre. J'avais tout oublié jusqu'à le croiser par hasard au centre commercial et que tous mes souvenirs reviennent. » Il se mordit la lèvre inférieure, ayant réellement envie de faire un meurtre en repensant à tout ça. « Mais pourquoi ils auraient fait ça ? Pour nous faire souffrir en nous arrachant notre moitié ou en nous montrant la vie qu'on aurait pu avoir si nous n'avions pas dévié ? » Il soupira et se frotta les tempes avant de laisser son regard dévier sur l'horloge.

« Je te propose qu'on garde ça pour nous, que nous n'en parlions à personne pour le moment même pas à Lily, Hyun Su ou je ne sais qui d'autre. » Il lui sourit tendrement avant de lui ébourrifer les cheveux. Il se leva en gardant une des mains de sa cousine dans la sienne et lia leurs doigts ensemble puis la tira gentiment pour qu'elle se lève. « Allons dormir ma belle, il est tard et demain nous devons bosser, nous reparlerons de tout ça plus tard. On dort ensemble cette nuit ? »

Min Sook sembla douter. Non, Min Sook douta. C’était un peu douloureux pour Mariko mais elle comprenait. Elle avait également du mal à y croire. Pourtant les faits étaient là. Min Sook avait vécu la même chose qu’elle. L’existance de ses faux-souvenirs ne faisaient que réaffirmer sa thèse. Son hypothèse était possible. Il ne lui manquait plus qu’à lui prouver. Il lui fallait prouver que la réalisation de ce sérum était possible. Mariko avait confiance en ses capacités. Elle n’était pas n’importe qui. Elle se savait capable de démontrer ses propos. Le programme de tutorat à l’université allait enfin s’avérer utile.

Mais en attendant Mariko ne ferait rien. Min Sook voulait aller dormir, alors Riko irait dormir. Cette discussion était terminé, pour ce soir en tout cas. A la proposition de son cousin, Mariko leva la tête un sourire aux lèvres. Joueuse, elle partit dans sa chambre chercher son coussin et se changer rapidement en pyjama. Elle arriva finalement en trombe dans le lit de son cousin, le poussant au passage. Un rire commun éclata rapidement entre eux. Min Sook réussit à reprendre sa place et Riko se lova contre lui. Les yeux fixé sur le plafond de la chambre de son cousin, Mariko fermit les yeux.

‘‘- Bonne nuit M‘Sook, mumura la blonde.’’

Et sur ses dernières paroles qu’elle s’envola au pays des songes remplit de formule mathématique, d’explosions et diverses odeurs chimiques.