Mi Yon était trop bête. Comme une idiote, elle était parti faire un tour du quartier, comme elle en avait pris l’habitude. A chercher du regard celui pour qui elle était là, sans avoir à aller le chercher, ses mains dans les poches de sa veste, dont l’une tenant toujours fermement le couteau suisse avec lequel elle ne cessait de se balader depuis le braquage. Et comme une idiote, elle s’était retrouvée enfermée dehors quand elle avait voulu rentrer chez son hôte. Dans un soupir, elle s’était assise sur ce palier de porte, et avait mit sa tête entre ses mains. C’est vrai que ce soir, c’était la soirée d’Halloween organisée par la ville, et que la vieille bibliothécaire chez qui elle logeait s’y rendait pour le plaisir de retrouver d’autres de ses amis. Bien évidemment, elle était parti en fermant sa maison. Et bien évidemment, Mi Yon n’avait toujours pas de clé … Elle aurait pu forcer la porte comme elle l’avait appris, mais elle ne l’avait pas fait depuis trop longtemps, et avait trop peur d’avoir perdu la main et d’abîmer la serrure pour ne serait-ce tenter qu’une seule fois. Tout comme elle aurait pu se rendre elle aussi à cette soirée, comme lui avait conseillée la doyenne. Mais elle était loin d’en avoir envie. Alors pour la laisser se préparer, elle était sortie, mais était rentrée bien trop tard.

Personne ne passait dans les rues. Elles étaient désertes, et seul le silence répondait à Mi Yon qui jouait avec son couteau, essayant de faire passer le temps plus vite, en vain. Il fallait qu’elle trouve vite quelque chose à faire, qu’elle trouve quelque chose pour occuper ses pensées, parce qu’elle sentait que bientôt, elle ferait un point sur sa vie. Comme elle le faisait tout le temps quand elle n’avait rien à faire, quand elle était seule. Elle pensait à son futur, son présent, particulièrement son passé, aussi, et c’est ce à quoi elle voulait toujours le plus échapper. Alors sans un bruit, elle s’était levée, avait rangé la lame du couteau, qu’elle avait remit dans sa poche avant de commencer à marcher sans but.

Parfois elle croisait des habitants, déguisés. La question ne se posait même pas, ils se rendaient sans aucun doute à la soirée. Une soirée déguisée … Comment se serait-elle habillée, tiens, si elle aussi s’y était rendu ? Voilà qu’une question occupait son esprit, la faisant errer sans savoir vers où, et faisant naître un léger sourire sur ses lèvres. Peut-être en sorcière ? Pour rester dans le thème ? Ou bien en fantôme ! Pas trop compliqué, et plutôt marrant …

Plongée dans ses nouvelles pensées, voilà que la jeune blonde se dirigeait tout droit vers une source de bruit. Un bar était encore ouvert ? Toute la ville ne participait donc pas à cette soirée ? Tant mieux, elle allait pouvoir se poser quelque part et attendre, sans avoir à trainer dehors, dans le froid. Mais à peine était-elle arrivée devant la porte du bâtiment que cette dernière s’ouvrit, qu’un jeune homme en sorti, refermant derrière lui. Il n’y avait dorénavant plus assez de lumière pour que Mi Yon puisse discerner son visage. Mais l’espace d’un instant, elle avait pu distinguer ces traits qu’elle ne connaissait que trop bien. Son coeur venait de s’accélérer d’un coup tandis que sa main serrait plus fort que jamais le couteau dans sa poche. Elle en tremblait, mais rien n’y faisait, elle était comme bloquée. Ça main ne sortait pas de sa veste.

Elle qui s’était repassé ce scénario des milliards de fois, qui s’était convaincue tout autant de ne pas se poser de question le jour où elle lui ferait de nouveau face, qu’elle n’avait pas à hésiter, et qu’après tout le mal qu’il lui avait fait, après tout ce temps à l’avoir fait souffrir de la sorte, elle avait juste à mettre sa vengeance à exécution, à sortir ce foutu couteau, et le faire souffrir comme il l’avait fait pour elle. Et s’il fallait aller jusque’à le tuer, elle en aurait été capable. Mais là, il lui était impossible de faire quoi que ce soit.

Il était là, devant elle, sans qu’elle ne puisse réagir comme elle l’aurait voulu. Et ces quelques réflexions qui paraissaient durer des heures alors qu’elle ne le quittait pas du regard, n’étaient que quelques secondes. Tout était si lent, et en même temps si rapide. Mais quelque chose la démangeait trop. Tout ces souvenirs qui affluaient dans sa tête, les meilleurs, comme les pires. Et ses yeux qui s’embuaient … S’en fut trop … Elle lâcha prise, et d’un mouvement net, rapide, rempli de toute la colère et la tristesse qu’elle éprouvait, sa main rejoignit violemment la joue du jeune homme face à elle, sans qu’un mot ne sorte de ses lèvres qu’elle se mordrait jusqu’au sang si elle le pouvait.