Ce soir, comme elle en avait l’habitude parfois, Yukari servait au bar et n’avait pas à monter sur scène pour faire un show où elle devrait se déshabiller. Y avait pas à dire, même si elle servait la moitié des mâles en chaleur de la ville, elle ne ferait pas partie de leur fantasme de ce soir ce qui n’était pas plus mal du tout. Cependant, il y avait les clients qui buvaient plus que de raisons et si la demoiselle arrivait souvent à s’en défaire, il y en avait qu’elle avait à l’heure. C’était d’ailleurs le cas de Tanaka Mina ou, plus précisément, de la fille du maire de la ville et qui fourrait un peu trop son nez là où il ne fallait pas. Mais si Yuka l’avait à l’œil, c’était surtout pour veiller à ce qui n’arrive rien à cette pimbêche qui prenait un peu trop les autres de haut alors qu’elle n’avait rien de plus que les autres… Notamment niveau QI où elle pouvait largement faire concurrence à une huitre. C’était méchant, elle le savait mais avec ce qui lui était arrivé -enfin même avant- la jeune femme avait un peu trop de mal avec les personnes hautaines, riches, idiotes. Pour faire simple, c’était le genre de personne qu’était Mina.

D’ailleurs, celle-ci avait trop bu et la barmaid pour ce soir soupira car elle savait qu’elle devrait faire du baby-sitting parce que son service était terminé et s’il arrivait à cette pimbêche, elle pourrait avoir des problèmes. Rapidement, Yukari prit ses affaires puis alla à la table de Mina pour mettre sa main sur son dos et la secouant légèrement.

« Allez, c’est tout maintenant, faut rentrer. »

De force ou non, Mina ne boira plus pour ce soir et rentrera chez elle. Rien ne pourrait changer ça, même pas une crise de cette princesse capricieuse… Enfin surtout pas une des crises de cette princesse capricieuse.

Il n’y avait pas, Yukari avait réellement Mina en horreur et si elle ne la détestait pas c’est qu’au fond elle se revoyait en elle. En effet, être abandonnée par ses parents, être délaissée aussi, ne pas réussir à voir l’avenir de manière clair et, surtout, tout perdre du jour en lendemain, sonnaient désagréablement familier à ses oreilles. Cependant, une chose les différenciait et pas des moindres, le caractère. La jeune femme pouvait encore compter sur son père qui était un homme respectable avec du pouvoir et, ce dernier point, était un peu trop monté à la tête de Mina. Visiblement, c’était à la strip-teaseuse de l’éduquer et ça ne l’enchantait guère. Surtout quand elle voyait le comportement de cette demoiselle complètement saoule.
Les bras croisé, l’agente regarda la fillette faire son numéro de pauvre petite et elle marmonna aussi. Pourquoi elle sérieusement, elle avait déjà assez à faire avec ce coréen avec une libido au-delà du raisonnable fallait en plus qu’on lui foute une alcoolique sur les bras.

Qu’est-ce qu’elle avait fait pour mériter ça sérieux ? On pouvait pas la laisser tranquille deux minutes.

Agacée à l’intérieure, zen à l’extérieur, Yukari finit par faire signe aux deux videurs de venir chercher cette cliente un peu trop perturbatrice. Heureusement qu’ils étaient là pour régler ce genre de problème et foutre ce genre de clients à la porte. C’était un point positif dans ce club. Le personnel était assez bon, ça elle ne pouvait pas le nier.
La demoiselle suivit ces trois personnes jusqu’à l’extérieur où elle interpela un taxi. Sans beaucoup de douceur, elle prit le bras de Mina pour l’emmener devant la porte ouverte.

« Maintenant t’arrête ton cinéma deux secondes et tu montes dans le taxi. Pas le choix, tu fais n’importe quoi ça prouve que tu dois te reposer. »

Sur ce point, Yuka disait complètement n’importe quoi mais Mina était trop alcoolisée pour s’en rendre compte… Mais aussi pour opposer trop de résistance physique alors qu’elle aidait la demoiselle à monter, presque de force, dans ce taxi qui les emmena au domicile de la fille du maire. Avec le temps, l’agente connaissait l’adresse par cœur ce qui était quand même pratique vu qu’elle savait que ce n’était pas l’autre demoiselle qui coopérerait en la donnant.
Une fois une domicile, Yukari fit comme chez elle et se déchaussa avant d’aller dans la cuisine pour servir un verre d’eau qu’elle apporta à Mina.

« Bois, ça te fera du bien, conseilla-t-elle en donnant la boisson à la jeune femme. Tu devrais pas boire autant… C’est pas bon pour toi et ça ne résoudra aucun problème. »

Même si la demoiselle ne portait pas Mina dans son cœur, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Elle voulait qu’elle réfléchisse, se rende compte parce que ce n’était pas un drame ce qui lui arrivait.

« Pourquoi t’essaie pas d’en parler à quelqu’un ? »

Pour être passée par là, l’agente savait que ce n’était pas facile d’en parler et, surtout de trouver la personne. Mais ce n’était pas parce qu’elle avait été seule pendant plusieurs année que ça devait être le cas de Mina. Chacun était différent et vivait les problèmes différemment après tout.

Jouer les baby-sitters pour la fille du maire n’était pas du tout la vocation de Yukari… Jouer les strip-teaseuses aussi d’ailleurs. Où elle avait merdé dans tout ça ? Certainement le jour où elle avait ramené cet homme à la maison et qui l’avait escroqué, ce qui lui avait valu un joli coupage de pont avec ses parents. Au moins, ils lui payaient encore le loyer et, niveau travail, le maire faisait en sorte de la « protéger » comme elle était agente pour la ville. Avec cela, elle n’avait plus à s’inquiéter de savoir si elle tiendrait les fins de moins et n’avait plus à enchainer les petits boulots ce qui n’était pas rien.
Cependant, elle devait se farcer Mina, elle s’en serait volontiers passé mais, ainsi, peut-être pourrait-elle l’éduquer un peu mieux. L’adoucir un chouïa parce qu’elle n’était pas bête, y avait beaucoup trop de boulot pour qu’elle y arrive toute seule. Surtout que, bon, pour vomir ainsi, fallait pas avoir beaucoup de dignité.

Un sourcil arqué, la demoiselle regarda le verre tomber en se demandant si elle pouvait s’en donner à cœur joie. D’un naturel assez franc, elle n’avait pas l’habitude de trop se contenir et, quand c’était le cas, les murs de son appartement étaient un peu son « gueuloir » comme Flaubert avait le sien avant elle. Heureusement, son studio était bien insonorisé et elle pestait plus qu’autres choses donc elle n’avait aucun soucis avec les voisins.
Avec beaucoup de self-control, elle retient toute réponse car elle savait que Mina n’attendait rien de cette question et, de ce fait, Yukari soupira juste. On mettait ses nerfs à trop rude épreuve parfois, on n’avait pas idée de lui faire subir ça.

Malgré tout, la demoiselle pouvait se retenir mais là… Non, c’était peut-être un peu trop pour elle.

« On ne s’en rend pas toujours compte mais on fait parfois des choix qui ont une certaine incidence, commença-t-elle en s’appuyant sur un meuble et en croisant ses bras. »

Le terrain de la richesse, Yukari le connaissait que trop bien et parlait en connaissance de causes peu importe si ça plait ou non. Elle s’en fichait royalement à vrai dire puis bon, avec tout ce qu’elle avait bu elle ne risquait pas de se souvenir de grand-chose le lendemain.

« T’as pas fait le choix d’être enfant unique mais le choix d’être seule ou non t’appartenait et il t’appartient toujours. Tu te sens peut-être mal car quand on ne prend pas le temps de réfléchir, de se poser les bonnes questions on ne rend pas compte du mal-être qui nous habite et… Pourquoi j’te parle de ça ? T’es complètement saoule, tu t’souviendras de rien le demain. »

Surtout que bon, une Mina complètement jetée par l’alcool elle savait que c’était susceptible et préférait éviter de se bagarrer avec. Et ça servait à rien qu’elle perde son temps avec une idiote comme elle et qui ne se rendait pas compte de ce qui se passait. Elle ne l’aimait pas, mais alors pas du tout.
Mais quand elle était partie la Yukari, pour s’arrêter c’est très dur.

« T’es pas si seule, ton chien est là. »

Oui fallait pas l’oublier le petit, il avait le mérite d’être là et de supporter sa maîtresse. Nan franchement, il méritait une médaille.

« Et franchement, tu te plains de ta vie mais t’as jamais eu à t’inquiéter parce que tu trouves pas de travaille, à te demander si tu pourrais manger en fin de mois, tu n’as jamais rien eu à faire pour avoir ce que tu voulais. »

Franchement, la vie qu’elle menait avait ses désavantages mais elle n’avait pas à se plaindre car, d’autres n’avaient pas tout qui leur était dus et galéraient bien plus dans la vie. Là, elle ne parlait pas d’elle mais des autres en général.
Une chose était certaine, elle n’allait régler aucun problème avec l’alcool mais ça, elle le comprendrait peut-être un jour… On pouvait rêver, espérer, ça ne coûtait rien après tout.

Ce qui était flagrant c’est que Yukari perdait réellement son temps avec Mina alors qu’elle pourrait faire des choses tellement plus importantes. Cependant, sous couvert que c’était la fille du maire, elle ne pouvait pas la laisser seule sans surveillance mais, par contre, qu’on ne vienne pas l’engueuler qu’elle ait maltraité cette gosse pourrie gâtée qui jouait plus avec ses nerfs qu’autre chose et qui mériterait bien une petite leçon. Si la moral ne fonctionnait pas, le corps à corps pouvait certainement donner quelque chose d’intéressant et, pour le coup, toute pitié envers la demoiselle s’était envolée. Ah ben ça, elle pouvait être patiente, elle restait humaine et avait ses limites comme tout le monde. On pouvait pas lui en vouloir pour ça !

« Tu veux que je te dise ? Moi au moins, je risque pas un cancer du foie, je risque pas ma vie à trainer bourrer dans les rues à défier plus fort que moi et je suis pas idiote au point de confondre strip-teaseuse et prostituée. Je joue pas dans la dernière catégorie, désolée chérie mais j’ai pas à me mettre à nu pour gagner ma vie. Puis qu’est-ce que ça peut te faire ? Je suis sure que t’as déjà couchée avec des gens sans t’en souvenir tellement t’étais bourrée alors bon t’es mal placé pour me faire des remarques. »

Le regard de l’agente s’était durci alors qu’elle regardait Mina avec un sérieux déstabilisant. Cette femme puait l’alcool à plein nez, c’était tout sauf agréable.

« Et les personnes comme toi, comme tu le dis si bien, je les connais mieux que tu ne le penses et je les ai réellement en horreur. Y a que l’argent qui les intéresse, que les profits et ce sont des vrais vautours qui n’hésitent pas à briser les autres mais le pire c’est qu’ils sont seuls. Ils n’ont pas de véritables amis, le sens de la famille ils ne connaissent pas. Ce sont seulement des profiteurs et des loques. Regarde-toi, tu te crois meilleur que moi mais essaye de monter sur une barre de pole dance, essaye de me citer au moins un de tes amis, ce que les autres font pour toi gentiment sans que t’ais à les forcer ou à jouer les petites princesses capricieuses. »

Oh ben non, elle avait pas fini, ce serait mal la connaitre que de penser cela. Alors, sans réfléchir plus que ça, Yukari attrapa le bras de Mina pour la laisser tomber par terre. D’où elle la prenait de haut cette fille qui n’était pas mieux qu’elle ? Franchement, on marchait sur la tête !
Cependant, au lieu de continuer de parler, la demoiselle prit la tête de Mina de façon à ne pas lui faire mal mais de façon à faire ce qu’elle voulait d’elle quand même. De toute manière, avec tout l’alcool qu’elle avait ingéré, ce n’était plus qu’une larve, une marionnette tellement elle n’avait plus de force.

« Regarde à quoi t’en es rendu. »

A ces mots, elle positionna la tête de la demoiselle à quelques centimètres de son vomi. C’était horrible mais il fallait cela pour que quelque chose rentre dans la tête de Mina... Et même ça ne suffisait pas toujours.
Laissant la tête de Mina où elle était, Yukari la lâcha avant de se lever puis aller dans le canapé pour sortir son téléphone et prévenir son collègue que le bébé du maire était bien rentré. Elle attendit quelques secondes avant de tourner sa tête vers la cuisine.

« Tu t’es endormie ? »

Il valait mieux demander parce que si elle allait se coucher, ça voulait dire que Yukari pourrait bientôt y aller aussi. Ce qui n’était pas pour lui déplaire !

Heureusement -ou malheureusement selon le point de vue- avec son poste d’agente, Yukari avait un métier qui lui permettait de travailler sur son self-control. Si elle ne faisait pas cela, c’était certain qu’elle aurait très vite craqué et ça n’aurait pas donné quelque chose de beau à voir surtout avec Jae Sun. Cependant, parfois, ses émotions revenaient à la surface et elle craquait, Mina en avait fait les frais mais elle ne pouvait pas s’en vouloir, cette fille représentait tout ce qu’elle fuyait, tout ce qu’elle haïssait alors elle ne pouvait que la haïr aussi. C’est vrai qu’elle n’avait jamais montré ce ressentiment, elle avait toujours fait au mieux pour garder cela pour elle mais ce soir c’était sorti et ça faisait du bien.
N’étant quand même pas un monstre, la demoiselle était partie dans le salon pour se calmer. Elle préférait prendre du recul, réfléchir à ce qu’elle venait de dire en espérant ne pas en avoir trop fait mais plus ses mots tournaient dans sa tête, moins elle regrettait de les avoir prononcés. Après tout, pour elle lorsqu’on était riche tout allait bien dans le meilleur des mondes, on ne souciait de rien d’autres alors qu’il n’y a aucune solidarité entre les membres d’une famille. Yukari en était l’exemple parfait.

En entendant du bruit dans la cuisine, la jeune femme laissa un soupir passer ses lèvres… Qu’est-ce qui se passait encore ? Résignée à jouer son rôle de baby-sitter jusqu’au bout, l’aikoyangienne alla dans la cuisine pour voir ce qui pouvait bien se passer et vit la propriétaire des lieux par terre, toujours au même endroit. Alors qu’elle s’approchait d’elle, l’agente s’arrêta en entendant le remerciement venant de la fille du maire. Pendant quelques secondes elle crut avoir rêvé mais, non, elle avait bien vu ses lèvres bouger… Mina l’avait remerciée. Est-ce parce qu’elle était saoul ou parce qu’elle avait entendu ce que Yukari avait dit ? La réponse, seul l’avenir la donnera puisque Mina venait de s’endormir et n’était pas prête de se réveiller.
Doucement, la jeune Kwon enleva les chaussures de Mina puis la prit dans ses bras pour la porter dans son lit et la border. Elle l’observa quelques secondes avant de retourner dans la cuisine où elle prépara juste un verre, une bouteille d’eau ainsi que des cachets contre les maux de tête. Elle s’occupa ensuite de l’animal de la demoiselle, lui faisant quelques caresses après avoir mis des croquettes et de l’eau fraîche.

Une fois tout cela fait, elle observa les lieux avant de partir pour rentrer chez elle. Une fois là-bas, elle prit une douche avant de se glisser sous la couette. Elle avait mérité une bonne nuit de sommeil !