Mal. Elle avait mal. Mal aux bras. Au ventre. Aux cuisses. Mais aussi à la tête. Et au coeur. Surtout au coeur.

Yume se trouvait sur le pas de la porte, prête à la franchir. Effaçant ses larmes, préparant à nouveau un de ses faux sourires, elle entra avec le peu de force qu’il lui restait. Elle ne devait pas inquiéter son père. Surtout pas. Il serait en colère s’il découvrait la situation de sa seule et unique fille. C’était raté. Dans le salon, ses parents avaient préparé une belle surprise pour les dix-huit ans de la jeune fille. Mais tout ce bonheur ne fit que l’attrister plus. Un contraste entre ce bonheur dans cette maison où elle avait grandit choyé et le malheur qu’elle vivait au quotidien avec cet homme. Cet homme qu’elle aimait. Des larmes. Des cris. La jeune femme se laissa tomber au sol. Trop. Elle n’en pouvait plus. Mais. Elle l’aimait. Beaucoup Trop.

« Yume, ma chérie. Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Omo, c’est quoi tous ces bleus ?! »

Sa mère était là et elle s’inquiétait. Mais Yume ne voulait surtout pas l’inquiéter. Trop tard. Son père, lui, semblait furieux. Leur enfant était rentré, en pleurs, couvert d'hématomes. Ils avaient toujours vécu heureux. Jusqu’à aujourd’hui. Bercée par sa mère, sa bienfaitrice, l’enfant portant le symbole du rêve sembla se calmer, prête à enfin parler.


« Il y a deux ans, commença-t-elle avec quelques difficultés, j’ai rencontré un homme. Il avait deux ans de plus que moi. C’était quelqu’un dont la réputation de tombeur était déjà très répandue. Et pourtant. Et pourtant, je l’aimais. Son air de badboy, il m’attirait. Et finalement, on a fini par sortir ensemble. »

Il était maintenant trop tard pour reculer. Malgré l’hésitation, Yume devait finir avec tout ça, elle devait sortir de ce cauchemar. Mais elle l’aimait. N’importe quel signe de lui aurait pu chambouler cette histoire. Elle aurait pu stopper là. Net. Et mentir. Mentir à ses parents. Pour lui. Un nouveau sanglot. Se rappeler de tout ça. Tout cet amour qu’elle lui portait. Ca la faisait mal. Mais lui. Lui, il le savait. Il savait à quel point l’amour que lui portait Yume était fort. Alors, il en profitait. Reprenant son souffle, elle continua son histoire.

« J’étais contente. Aux anges même. Puis j’ai rapidement déchanté. Cet homme. Il enchaînait les conquêtes. Plusieurs fois il m’a trompé. Plusieurs fois, je .. je lui ai pardonné. Pour lui j’étais trop jalouse. ça a fini par l’énerver et .. et il m’a frappé. Plusieurs fois.  »

Cela devenait trop dure à raconter. Au fond d’elle, Yume savait qu’elle l’aimait. Mais lui. Lui, l’aimait-il en retour ? Autant qu’elle l’aimait ? Vois la vérité en face, Yume. Non. Pour lui, Yume n’était qu’une conquête parmi tant d’autres. Juste, plus tenace. Plus amoureuse. Ce qui faisait d’elle, le jouet parfait.

Sa mère l’avait écouté attentivement, continuant à lui caresser les cheveux, afin de la calmer et de la réconforter au mieux. Elle avait une idée en tête : porter plainte. Mais est-ce que cela aiderait sa fille ? Est-ce cet ordure allait souffrir autant qu’elle a souffert ? Son père n’était pas du même avis que sa femme. Il était en train de bouillir sur place. Il voulait venger sa chère fille, la prunelle de ses yeux. Yume avait fini par leur donner l’identité de l’homme ainsi que ses coordonnées.

« Yume, allons au commissariat. On va aller porter plainte, d’accord .. ? Tout va bien se passer, tout va bien, rassura la mère.
- Non, cet ordure mérite plus que ça, rétorqua son père. »

Furieux, le père de famille se dirigea vers une armoire. Son statut de chef de la police lui permettait de posséder une arme chez lui. Perdant son sang froid, il saisit le pistolet avant de sortir de la maison en courant, direction la maison du soi-disant petit-ami de sa fille. Non. Il n’avait pas le droit d’être son petit-ami. Il n’avait même pas le droit de vivre. Il devait mourir. Il devait payer ses erreurs.

死
Mort.

Lorsque Yume la rattrapa, c’était trop tard. Il était déjà .. mort. D’un côté, elle était heureuse d’être enfin libérée. De l’autre, elle venait de perdre l’homme qu’elle aimait. Des larmes coulèrent à nouveau sur ses joues quand tout à coup, des alarmes de police et pompier retentirent. Alertés par un voisin qui avait entendu le coup de feu, ils étaient bientôt là. Ni une ni deux, elle s’empressa de prendre l’arme de son père. Il ne devait surtout pas perdre son poste et foutre sa vie en l’air pour elle. Non, surtout pas. A l’aide d’un mouchoir, elle se dépêcha d’effacer les empreintes de son père et ensuite d’y mettre les siens. C’était elle qui allait être désigné coupable. Cela devait être elle. Et surtout pas son père. Ce dernier, était resté sous un état de choc. Il venait de perdre son sang-froid et avait tué un homme.

Lorsque la police et l’ambulance arrivèrent, il était déjà trop tard. L’homme était mort sur le coup. Ils furent surpris de trouver le chef de police sur les lieux. Le père de famille se désigna comme coupable mais devancé par sa fille, c’est elle qui fut emmenée. Elle était la coupable idéale et surtout, elle avait une raison.

Le procès, est-ce qu’il y en a eut un ? Non, pas vraiment. Sa sentence était simple. La prison. Bien que sa mère, avocate de profession, a su la défendre et diminuer au mieux sa peine, rien ne pouvait la faire éviter cet endroit où régnait cette atmosphère malsaine. Yume possédait un physique de poupée, ce qui pouvait l’aider comme pas du tout puisqu’elle attirait bien trop l’attention de certains prisonnières. Sûrement trop jalouses d'elle. Trop gentille. Trop douce. Une cible de moquerie. Une cible de violence. Encore. De plus, elle souffrait. Elle avait tout de même perdu l’homme qu’elle aimait. Plus jamais, elle ne ressentira ça à nouveau. Plus jamais. Les nuits, elle pleurait souvent. Repensant à lui. Elle l’aimait encore. Elle était en train de dépérir dans cette prison, enfermée entre quatre murs. Des fois, elle se dit que sa vie dehors ne devait pas être mieux. Restée ici lui permettait d’éviter le regard de gens qui la prenaient en pitié. Elle avait bien fait de prendre la place de son père, le voir ici lui aurait fait beaucoup de mal.

Un soir, pendant que tous les prisonniers dormaient, Yume fut réveillée par plusieurs gardes. Sûrement pour un changement de cellule. Alors, elle se mit à marcher à leurs côtés, sans rien espérer de plus. Pourtant, au fur et à mesure qu’ils avançaient, ils s’éloignaient des cellules. Se stoppant nette, elle aperçut ce côté sombre de la prison. Lorsqu’elle passait devant, elle entendait toujours des cris lointains. De personnes qui souffraient. Des cris de douleurs. La peur se lut dans les yeux de Yume. Elle s'apprêtait alors à s’enfuir lorsqu’elle fut rapidement arrêtée par un garde. Se débattant comme elle pouvait, elle ne put s’enfuir. Elle sentit alors une aiguille dans son bras et s’endormit. Un calmant sûrement. Ou pire. Dans son sommeil, elle put sentir une seconde aiguille. On venait de lui injecter encore quelque chose. Mais elle ne se souvint plus de la suite, cette seconde injection l’avait plongé dans un sommeil profond. Tout ce qu’elle pu se rappeler fut cette unique phrase : « Le Chef Adachi souhaite le sérum pour sa fille, elle a plus de chances que certains. »


Dans l’esprit de Yume, tout était vague. C’est comme si .. ses souvenirs devenaient vides et disparaissaient. Plus rien. Elle était en train de tout oublier. Mais quelques secondes plus tard, tout lui revint en esprit. La violence de son petit-ami. L’amour qu’elle lui portait. Ses infidélités. Sa mort. La prison. Se réveillant en sursaut, Yume respira fortement. Ce n’était qu’un rêve. Le même rêve qu’elle faisait chaque mois. On avait tenté de lui faire oublier. Non. Son père avait tenté de lui faire oublier. Elle le savait. Mais elle ne lui en voulait pas, c’était pour son bien. Voilà maintenant deux ans qu’elle était à Aikoyangi. Cette île représentait sa chance de repartir à zéro. De vivre à nouveau pleinement. Mais elle devait faire attention. Si on l’avait envoyé sur cette île en pensant qu’elle ne se souvenait de rien, cela veut dire que personne ne doit connaître son passé. Personne. Elle le savait. Si quelqu’un apprenait que le sérum n’avait pas marché sur elle, il allait faire son maximum pour le lui injecter à nouveau.