Leurs ébats sont nombreux, cachés. Dans la pénombre, refuge de leurs désirs et leurs dérives. Cet homme riche, ceo. Et elle, simple femme de ménage. Il n’aurait même pas dû poser les yeux sur elle. Elle n’aurait pas dû succomber. Mais elle est bercée d’espoirs, elle se voit déjà la bague au doigt et lui quittant sa femme. Ce qu’elle est bête. Elle ne compte pas plus qu’une autre. Elle n’est qu’un visage de plus. Un poids en plus dans ce ventre qui s’arrondit à mesure que les mois passent. L’homme vient la voir à l’hôpital, entoure de ses bras fort ce petit être aux traits similaires. Elle ne verra plus jamais son enfant.

Une plainte. Un nom.

Reim.

Ses mains sont en sang. Son cœur s’emballe. Ses doigts passent dans ses cheveux blonds à présent souillés, relèvent des mèches rebelles. Enfant non désiré. Il se rappelle des coups, des cris et des injures. On ne lui a jamais rien caché. On l’a baigné dans l’indifférence et le mépris. Si on lui parlait, c’était pour lui crier dessus. Si on le touchait, c’était pour le frapper. Les coups nombreux, le cuir douloureux de la ceinture sur sa fine peau blanche. Reim n’a jamais aimé ces inconnus chez qui il habitait. Il détestait manger à leur table, haïssait le fait de respirer le même air qu’eux. Pourtant, il reste.

Toute la porcelaine qu’on lui a cassée au visage. On n’a jamais voulu de lui. Il n’a jamais été assez bien. Ni pour cette femme, ni pour cet homme. Une claque sur ses lèvres à chaque fois qu’il ose les appeler maman et papa. Il est la honte de cette famille riche. Celui qu’on ne peut abandonner parce qu’il est le sang et la chair du patriarche, mais qu’on ne peut reconnaitre pour autant, né d’un adultère. Pourtant, malgré sa haine. Il a toujours cherché le moindre éclat de fierté dans leurs yeux. Il cherche juste un mot doux, une caresse sur sa joue écorchée.

Reim a souvent été seul. Il a toujours joué seul dans le jardin. Il n’est jamais allé à l’école, un précepteur s’occupant de la majorité de ses études. Cette grande maison a été une cage dorée. Un souffre-douleur, sans amis ou passions. Adolescent, on lui permit d’aller en salle de sport. Son seul luxe.

Rien. Le néant. Il est un enfant sage, silencieux. Il ne veut pas déranger pour ne pas se faire encore plus détester. Il travaille fort. Il ne plaint jamais de ce précepteur trop dur. Même s’il doute bien que ce dernier n’a pas le droit de lui foutre une claque à la moindre mauvaise réponse.

Il fallait bien qu’on s’attende à ce qu’il craque.

Il y’a beaucoup trop d’émotions refoulées en lui. Reim est trop sensible. A fleur de peau et un rien le déchaine. Ça a commencé par elle. Cette fille qu’il voyait souvent dans la rue. Elle l’a toujours regardé mal. Son air dédaigneux dans son petit uniforme de lycéenne. Elle le rendait fou sans qu’il l’explique. Il l’a guetté, il a mémorisé son chemin et ses horaires. Et finalement, il l’a attendu à un détour, il a voulu lui faire peur. C’est tout. Il ne pensait pas à mal, mais ça a dégénéré. Elle a fini sans vie dans une forêt. Il n’a rien ressenti. Si ce n’est le soulagement de ne plus sentir son regard sur lui matin et soir. Il n’a rien ressenti quand il a écrasé sa main sur sa bouche, ses doigts contre son cou fin. Elle a supplié, il a été sourd.

Il comprend alors. S’il veut que les regards se baissent, que les bruits se tussent. Il n’a qu’à éradiquer la source. Alors, quelques semaines après, ce fut quelques gouttes de poison dans le café de son précepteur. Cet homme dur qui, durant des années, l’a fait se sentir comme un moins que rien. Reim l’a observé se débattre, lui demander d’appeler à l’aider. Il est resté de marbre. Jusqu’à son dernier souffle, ses paupières qui se closent doucement.

Fin d’une autre souffrance. Mais il restait la plus grande.

Aujourd’hui, Reim se laisse tomber contre le grand arbre de son jardin. Il entend les cris mais il ne bouge pas. La grande maison en feu. Toute sa famille est à l’intérieur, c’est l’anniversaire de sa mère. Il était à l’intérieur aussi, au début. Mais il est trop lâche. Il voulait en finir de son existence aussi mais ill tient trop à la vie. Il a fini par fuir les flammes malgré son dos endolori.

Et il est resté là. Le feu dansant sur ses iris. Il ne bouge pas, même quand les pompiers arrivent. Même quand on l’arrête. Il avoue son crime. Et entre les barreaux de la prison, il ne s’est jamais senti aussi libre.

Mais tout n’est qu’un souvenir lointain. Un nuage d’illusions sans sens.
Reim est ce gosse tranquille. Celui qui n’a pas eu beaucoup d’amis à l’école, mais qu’on appréciait quand même. De bonnes notes. Des parents aimants. Il aime les chats. Il en a un depuis ses treize ans, il est un peu vieux et fainéant. Mais Reim ne peut vivre sans lui.

C’est un jeune adulte sans grandes ambitions. Il n’a rien d’attirant, rien d’original. On ne se retourne pas spécialement dans la rue à son passage, du moins c’est ce qu’il pense. Il n’a pas très confiance en lui. Il se perd dans ses livres et dans ses pensées.

Etre doux et simple.

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