La Corée du Sud, au cours de son histoire, a abrité de nombreuses familles très aisées et très conservatrices, et ce depuis les premières dynasties. Et cela n’avait guère changé au XXIème siècle. Parmi celles-ci se trouvait le foyer Kim. Comprenant un mari coréen médecin, une femme aikoyangienne sage-femme et deux jeunes garçons très prometteurs, cette famille, aux yeux de tous, semblait presque idéale. Pourtant, depuis la naissance de l’aîné, les deux parents, aussi conservateurs que superstitieux, ne souhaitait qu’une chose : avoir une jolie petite fille. Une enfant, douce et docile, qui comblerait la famille et leur cœur en se mariant plus tard à un riche jeune homme et en vivant des jours heureux avec des enfants dans un joli manoir.
Il fallut attendre l’été 2030, alors que les parents avaient décidé de passer une année sur l’île d’Aikoyangi dans leur résidence secondaire avec leurs deux garçons pour leur faire découvrir les origines de leur mère, pour que cette dernière apprenne qu’elle était une nouvelle fois enceinte. Quelle ne fût pas la joie du couple, qui plaça tous ses espoirs sur cette troisième grossesse, priant pour qu’il s’agisse d’une fille, mais refusant de connaître le sexe de l’enfant en avance, par goût pour la tradition.
La grossesse se passa sans problèmes pour le couple, jusqu’au jour de l’anniversaire de leur mariage, où, en plein milieu d’un dîner aux chandelles avec son mari, la maman se surprit à perdre les eaux.
C’est ainsi qu’une petite fille naquit le 14 février 2031 à 20h45 à l’hôpital de Kona avec quelques jours d’avance. Le bonheur du couple fût immense en posant leurs yeux sur ce petit rayon de soleil, mais également mêlé à de l’inquiétude. En effet, la petite était née prématurément, n’avait pas pleuré en utilisant ses poumons pour la première fois, et, lorsqu’elle ouvrit les yeux, ils constatèrent avec grand étonnement que son regard était vif, signe d’une grande intelligence, mais, hélas, d’un risque d’indépendance dans le futur, selon leur superstition. Inquiets à l’idée que leur fille puisse un jour choisir de ne pas suivre le chemin qu’ils lui avaient déjà tracé, les deux parents décidèrent de lui donner le doux nom de Myeong Seong, ancien nom d’une impératrice coréenne assassinée pour avoir voulu contrecarrer les ambitions de ses supérieurs, espérant pouvoir un jour, en lui comptant les origines de ce nom, lui faire comprendre que les passages hors des sentiers sont bien trop risqués pour une personne du sexe faible.

Myeong Seong n’eut, hélas, guère le temps de profiter de l’île où elle était née, car la famille prit l’avion presque 5 mois plus tard, afin de rejoindre leur résidence principale dans le quartier de Gangnam, à Séoul. Ses deux grands frères de 10 et 8 ans reprirent les cours dans de prestigieuses écoles, et son père reprit son poste au sein de l’hôpital. Sa mère, quant à elle, cessa de travailler afin de se consacrer entièrement à sa fille, le mari ramenant déjà bien assez d’argent à la maison pour continuer de vivre aisément. Elle éduqua la petite avec une extrême minutie, année après année, la familiarisant dès son plus jeune âge au japonais et à l’anglais en plus du coréen, lui apprenant très rapidement à lire, écrire et compter au fil des premières années, et lui enseignant les bases de solfège, n’oubliant pas, au passage, de lui expliquer l’origine de son prénom. Myeong Seong, déjà très intelligente et studieuse pour son âge, se retrouva ainsi à un niveau bien plus avancé que les autres enfants lors des années de primaire, exactement comme ses frères. Cependant, contrairement à eux, les parents refusèrent catégoriquement de lui faire sauter la moindre classe. Elle devait rester avec des personnes de son âge, et respecter les aînés et leur expérience avec un profond respect. C’était effectivement le cas, même avec ses frères, qui la traitaient pourtant comme leur égale, au plus grand damne de leurs parents.
Cependant, un beau jour, la jeune fille, alors âgée de 8 ans, décida d’aller voir le plus âgé de ses frères, Jin Kyung, dans sa chambre. Pour la première fois, elle osa toquer à sa porte et entrer, ce qui fit sourire l’aîné, qui était sur son ordinateur, comme à son habitude. Lorsqu’elle lui demanda ce qu’il faisait, Jin Kyung lui proposa de voir par elle-même. Elle accepta avec beaucoup d’excitation, ce qui le fit éclater de rire. Il la mit alors sur ses genoux, puis passa l’après-midi à lui expliquer la composition de l’ordinateur, allant des détails de chaque composant électronique à tous les moyens possibles de l’utiliser, en passant par les fameux raccourcis. La petite fille fut très attentive, comprenant rapidement ce que son frère lui expliquait. Cela la fascinait tellement…
Malheureusement, la leçon improvisée d’informatique fut interrompue par l’arrivée du père dans la chambre. Il cherchait sa fille depuis un moment, et fut bien surpris de la retrouver sur les genoux de son frère. Et le regard qu’il lança à son fils prouvait à lui seul qu’il n’était pas forcément réjouit à l’idée de voir la fillette utiliser un ordinateur. Lorsque son fils lui expliqua rapidement ce qu’ils faisaient, il répondit que cela était nécessaire de savoir envoyer des mails, mais qu’une fille digne et fréquentable n’avait pas à en savoir plus.
C’est ainsi que naquit un premier changement radical de comportement chez elle, car, pour la première fois de toute sa vie, Myeong Seong ne put se résoudre à accepter l’opinion de son père. Comment ça, une fille digne ne devait pas savoir se servir d’un ordinateur ? C’était pourtant une source de savoir très intéressante. Et puis, son frère avait dit que l’inventeur de la programmation était une femme, et que beaucoup de femmes étudiaient avec lui. Alors pourquoi pensait-il ça ?
Cette question, aussi simple soit-elle, créa le tout premier écart de ses pas entre son chemin et le sentier que lui traçaient ses parents.

Pourquoi ?…

La vie de la jeune fille changea alors du tout au tout. Elle se mit à écouter de moins en moins ses parents lorsqu’elle n’y trouvait aucune justification, se mettant à bouger beaucoup plus, se cultivant sur tout ce qui lui mettait la puce à l’oreille, commençant a parler et s’amuser avec tous types d’élèves, peu importe leur âge. Ses nouvelles fréquentations permirent de surprendre de plus belle les professeurs, qui la voyait déjà comme un haut potentiel auparavant. Ses connaissances et son cercle de centre d’intérêt ne cessèrent de croître, bien que la branche numérique soitt plus importante à ses yeux que le reste, au plus grand bonheur de ses grands frères, qui avaient cessé de l’appeler « princesse » pour la surnommer « Myo ». Mais si Jin Kyung, futur ingénieur, faisait de son mieux pour l’aider dans sa quête de savoir sans se préoccuper du reste, le cadet, Min Ho, étudiant en médecine, était paniqué quant à l’idée que les parents puisse l’apprendre, et faisait en sorte qu’ils n’en sachent rien. La fin de la primaire et le début du collège s’enchaînèrent ainsi, sans encombres.
A ses 12 ans, Myeong Seong alla voir son frère aîné, nouvellement diplômé. Il ne fut guère surpris de sa visite, jusqu’à-ce qu’elle lui annonce qu’elle voulait apprendre à coder, et maîtriser tous les langages informatiques qu’il connaissait. D’abord choqué, Jin Kyung finit par comprendre que Myeong Seong avait changé. Que, de petite fille timide, fragile et docile, elle était devenue une jeune fille forte, sûre d’elle et indépendante.
C’est donc avec joie, et après un câlin fraternel émouvant, qu’il accepta sa requête, lui faisant cependant comprendre qu’il y avait du boulot et que ce ne serait pas forcément facile...

Tandis que les nouvelles adolescentes étaient bouleversées par l’arrivée de leurs premières règles et des amours de collège, Myeong Seong, elle, vit sa vie bouleversée par l’informatique. La souris fut pour elle le maquillage, l’écran obtint la place des vitrines de boutiques dans son cœur, les différents composants électroniques remplacèrent les vêtements, et les erreurs de segmentation de ses programmes détrônèrent de loin la peur de ne pas être aimée par un beau garçon.
Alors que les autres collégiennes se rassemblaient entre elles pour parler shopping et mode et bavarder à propos des filles et garçons populaires, Myeong Seong, de son côté, se mit à traîner davantage avec les garçons intéressés par les ordinateurs et l’informatique, les « geeks », comme les autres les nommaient. Partage d’expériences, conseils, blagues, découvertes de nouvelles sources de divertissement… La jeune fille se sentait bien mieux en conversant avec eux qu’en cherchant à comprendre les centres d’intérêt des filles de sa classe.
L’adolescente découvrit avec eux le jeu de rôle, le métal, des montagnes de jeux vidéos, et plein d’autres choses qui forgèrent peu à peu son esprit. Et, au milieu des futures sages-femmes, femmes aux foyer d’hommes riches et danseuses étoiles de sa classe, la jeune fille voyait pour elle un projet tout autre : devenir une ingénieure.
Seule une chose l’empêchait d’entièrement assumer en public tous ces changements.
Ses parents.
Ces derniers, bien que ne sachant rien des centres d’intérêt de leur fille, lui reprochaient souvent de ne jamais inviter d’autres  filles de son âge à la maison ou faire du shopping avec elles, de ne pas se maquiller les rares fois où elle sortait, et de ne pas avoir d’amourette de collège à leur présenter, et ce, malgré ses efforts pour se faire passer pour une enfant modèle à leurs yeux..
Heureusement, Myeong Seong pouvait compter sur ses deux frères, même si l’aîné vivait désormais dans son propre appartement. Elle partageait toutes ses découvertes et nouvelles expériences avec eux, et eux faisaient en sorte que le parents ne puisse en aucun cas découvrir ce qui se cachait derrière le masque qu’elle s’efforçait de porter.
Cependant, Jin Kyung ne voyait pas d’un bon œil le fait de cacher aux parents les passions et projets d’avenir de sa petite sœur. Le débat était souvent ouvert entre eux trois, cherchant à savoir s’il fallait vraiment le leur expliquer maintenant ou attendre la fin du lycée. Les arguments affluaient de tous les côtés, et à chaque fois, la conversation et le choix étaient remis à plus tard.
Mais vint un jour où la procrastination ne fut plus une option. Et, à la fin de sa dernière année de collège, le débat fut rouvert pour la dernière fois dans l’appartement de l’aîné. Les arguments fusèrent à nouveau, et, tandis que Min Ho espérait qu’elle puisse attendre l’obtention du baccalauréat pour déclarer son choix, quitte à passer par les sciences naturelles avant, Jin Kyung, lui, voulait qu’elle fasse valoir son choix d’option dès la seconde année de lycée. Myeong Seong, quant à elle, savait bien qu’elle ne pourrait qu’obtenir d’inutiles sursis en repoussant la date encore et encore.
A la fin de ce dernier débat, tous pensaient la même chose. Le choix était inévitable, elle devait leur en parler.
Malgré sa peur, la jeune fille accepta son destin, en ajoutant seulement une condition : lui laisser jusqu’à la fin du second semestre de sa première année de lycée pour préparer aux mieux ses arguments, afin de pouvoir leur en parler le soir-même de la remise de formulaire de choix de baccalauréat et d’options.

Dès le début de cette première année de lycée, la jeune fille minimisa tous ses loisirs pour se concentrer au maximum sur ses études, travaillant d’arrache-pied jour et nuit. Ses notes atteignirent le maximum, ce qui, malgré la réputation prestigieuse et élitiste de l’école, étonna tout le monde. Rapidement, elle devint la personne à aller voir pour les autres élèves, qu’elle aida de bon cœur. Pour les profs, elle était une élève brillante et très prometteuse, qui pourrait facilement rejoindre la carrière qu’elle souhaite.
En deux trimestres, Myeong Seong réussit à prouver sa motivation et ses compétences à toute l’école, et en profita pour prendre rendez-vous avec ses profs et son directeur, accompagnée par ses deux frères, anciens élèves de l’école. Ces derniers l’aidèrent à leur expliquer la situation. Ses projets d’avenir, son choix d’option, les parents refusant de la voir tracer son propre chemin… Tous compatirent et acceptèrent de les aider. Chaque professeur fit une lettre de recommandation aux sciences de l’ingénierie, complète et argumentée, y compris le professeur principal, et même le directeur, qui affirma que son choix d’option serait validé, que ses parents le veuillent ou non.
Désormais, rien ne pourrait l’empêcher de faire ce qu’elle voudrait. Des lettres, des actualités académiques… Elle avait toutes les cartes en main, et même ses parents ne pourraient s’opposer à son choix. Pourtant, une part d’elle restait anxieuse à l’idée de leur en parler.
Elle eut raison…
Ce soir-là, ces derniers n’en crurent guère leurs oreilles lorsque leur fille vint à eux avec le formulaire en déclarant qu’elle souhaitait aller en sciences de l’ingénierie. Si la mère, horrifiée, ne put que balbutier un argument insensé avant de rester muette sous le choc dû à ceux de sa fille, le père, lui, n’hésita pas à exprimer la rage et la honte que sa fille lui faisait subir, déniant chaque preuve écrite de son tort que l’adolescente donna. Très vite, le ton monta entre père et fille, jusqu’à-ce que cette dernière explose, hurlant toute la haine et la rage qu’elle avait à son égard, lui faisant bien comprendre qu’elle ferait ce qu’elle veut de sa vie e qu’elle n’était pas son jouet.
Le fait de vider son sac embruma tellement son esprit qu’elle ne vit pas la gifle de son père venir. La violence du geste fut telle qu’elle perdit l’équilibre et fut rattrapée de justesse par Min Ho avant de tomber au sol, tandis que Jin Kyung repoussait rudement son père en lui criant dessus. La mère fut obligée de retenir son mari pour l’empêcher d’en venir aux mains avec lui. Myeong Seong, quant à elle, se contenta de déclarer qu’elle ferait ce qu’elle voudrait, peu importe leur avis, car l’école était déjà au courant de ses choix et ne prendrait pas en compte la croix que son père pourrait faire dans la case des sciences naturelles. Puis elle alla dans sa chambre, encore sonnée, aidée par son frère, laissant derrière elle un père fulminant de rage et un frère aîné empli de haine se disputer sous les yeux larmoyants d’une mère choquée.

Les deux années scolaires suivantes se passèrent pour le mieux. Les nouvelles matières fut un véritable bonheur pour elle, malgré la fatigue qui s’accumulait au fil des nombreuses heures de travail. Elle put se familiariser avec les personnes de sa classe, qui avaient bien des points communs avec elle. Elles n’étaient que trois filles dans la classe, contre plus d’une vingtaine de garçons. Cependant, le sexe ne semblait pas faire de différence, et tous se mêlaient en une classe soudée et heureuse. Tout semblait être fait pour qu’elle soit épanouie à l’école.
Pourtant, elle n’arrivait pas à l’être. Car à la maison, c’était tout le contraire.
Son père était devenu froid, distant, presque agressif avec elle. Les seuls fois où il lui parlait étaient pour lancer des paroles pleines de sous-entendus grinçants, lui faisant bien comprendre qu’elle était une fille indigne à ses yeux et qu’il ne ferait pas le moindre effort pour sa carrière. Quant à sa mère… elle était devenue presque transparente. Sont regard était constamment triste, et elle ne lui parlait que pour le strict nécessaire. C’est l’heure du repas, il faut faire le ménage, il y a quelqu’un à la porte… Que de la nécessité, pas de partage.
La vie à la maison était devenue un véritable enfer, si bien qu’elle passait la plupart de son temps à l’appartement de son frère aîné. Ce dernier faisait de son mieux pour la faire sourire, mais n’abordait jamais le sujet des parents. Il savait que cela ne pourrait que la blesser.
Vint la fin de l’année du baccalauréat. Elle passa ses examens avec grand succès, ce qui ne fut une surprise pour personne. Elle pouvait aller dans l’école de son choix sans aucun problème.
Son choix, elle l’avait déjà fait. Elle allait intégrer la même école que son frère, la meilleure de Corée du Sud. Elle savait très bien que ses parents ne voudraient pas lui payer cette école, mais elle savait aussi qu’il y existait un prix réservé aux femmes qui lui permettrait de n’avoir à payer que son loyer, ses dépenses courantes et de possibles voyages, sur lesquels son frère avait trouvé une solution : travailler pour son entreprise en même temps.
Elle participa à ce prix, remplissant le formulaire en y mettant tout son cœur et toute sa motivation. Deux semaines plus tard, elle apprit qu’elle l’avait remporté.
Elle choisit ce jour-ci pour faire ses valises, après avoir annoncé à ses parents qu’elle rejoignait la même école que Jin Kyung et qu’elle avait gagné un prix lui permettant de ne pas payer les frais académiques. Sa mère, désespérée, la supplia de renoncer et de rester, et son père, extrêmement furieux, déclara que si elle partait, elle ne serait plus la bienvenue à la maison. Myeong Seong lui répondit d’un air détaché que cette maison n’était de toute façon pas la sienne, et, après avoir étreint sa mère une dernière fois, non sans laisser couler une larme, rejoignit son frère dans sa voiture avec ses affaires et s’en alla.

Nouvelle école, nouveau départ, nouvelle vie. Myeong Seong se sentit tout de suite bien lorsqu’elle entra pour la première fois dans cette école. Bâtiment moderne, élèves ouverts, profs sympathiques, cours agréables. Elle réussit à se dégoter un appartement au prix modeste, pouvant ainsi économiser sur ce qu’elle gagnerait.
Rapidement, elle s’intégra à l’école, notamment aux associations. Elle se mit à la guitare, s’intéressa de près au dessin et au design 3D (jeux vidéos obligent) et forma un pôle de jeu de rôle. Elle participa également à l’organisation de certains événements, et proposa son aide à chaque besoin de coup de main. Du côté des cours, elle put constater que la promotion était très soudée. L’étudiante aida certains élèves et fût aidée par d’autres, à son plus grand plaisir. Chaque travail, en groupe ou non, était un vrai moment empli d’amusement. Tous s’amusaient et s’entraidaient. Cette vie était épanouissante, et l’aida à découvrir son vrai caractère, sa vraie personnalité.
Changement de personnalité, changement de physique. Myeong Seong coupa ses longs cheveux noirs et se les décolora pour les avoir d’un blond très clair. Elle changea aussi de look, laissant tomber l’uniforme d’élève modèle pour des tenues confortables principalement composées de jeans et de T-shirts que ses amis s’amusaient à traiter de « T-shirts de geeks et de métalleux ». Elle en riait avec eux, adorant ce qu’elle portait de son côté.
Études, travail, partiels, concours, soirée, conversations sur le net. Ainsi se passa ses huit années d’études, durant lesquelles elle étudia, travailla, passa ses permis, et surtout, participa à de nombreux concours qui la fit voyager en Asie, en Europe et aux États-Unis. Ces concours, elle et son groupe y gagnèrent les premiers prix, ce qui fit parler de l’école, mais aussi d’eux.
Pourtant, sont but ultime ne fut atteint qu’à la fin de la huitième année, lorsque sa thèse sur un sujet de sécurité auto-évolutive, restée confidentielle, fut approuvée avec les félicitations du jury. Elle n’en crut pas ses yeux lorsqu’elle reçu ses résultats par mail. Elle avait réussi. Elle avait réussi à achever ses études.
Et les surprises ne s’arrêtèrent guère là.
Le jour de la remise de diplôme, ses frères, qu’elle avait invité pour l’occasion, arrivèrent… avec sa mère. La nouvelle diplômée, choquée, lui demanda ce qu’elle faisait ici. En effet, elle pensait ne plus jamais les revoir. Les deux hommes leur laissa un moment pour discuter entre elles.
La femme expliqua alors à sa fille ce qu’il s’était passé pendant ces huit ans. Les disputes entre elle et son mari, le désespoir qu’ils ressentaient à l’idée que leur petite poupée vive comme un garçon. Et puis, au fur et à mesure que le temps passait, la découverte de son évolution à travers les différents articles et reportage parlant de son groupe et de son école. Le désespoir qui se transformait au fur et à mesure en fierté. Les regrets qu’ils avaient d’avoir tenté de l’empêcher de faire ce qu’elle aimait.
Myeong Seong fut émue, et ravie de voir que ses parents avait changé d’avis. Mais si c’était vraiment le cas pour eux deux… pourquoi son père n’était-il pas avec elle ? Sa mère, attristée, lui répondit qu’il était trop fier pour accepter son tort et s’excuser. La jeune femme se mordit la lèvre, réprimant un juron amer. Il ne changerait donc jamais… Mais au moins, sa mère était là, elle.
Les câlins furent interrompus par Jin Kyung et Min Ho, qui vinrent se jeter sur leur sœur pour la serrer dans leurs bras.
Bien sûr, la jeune femme reçu des cadeaux de leur part pour fêter son diplôme. Min Ho, connaissant l’état de son portable, lui en avait offert un neuf. Jin Kyung, sachant qu’elle avait le permis adéquat, lui offrit sa moto. Et sa mère, qui savait qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de visiter l’île où elle était née, lui offrit… l’argent qu’ils avaient mis de côté pour elle et leur résidence secondaire à Aikoyangi. Myeong Seong protesta, essayant de lui faire comprendre que c’était de la folie et qu’elle ne pouvait pas accepter. Mais, après un long, très long débat de plusieurs minutes entre les deux femmes, la mère réussit à faire céder sa fille, ce qui fit éclater de rire les deux garçons.

Myeong Seong fut impressionnée par l’apparence de l’île lorsque l’avion la survola. Et la surprise fut encore plus grande lorsqu’elle posa le pied dehors. C’était un endroit splendide, au beau milieu de la mer. Et la route jusqu’à chez elle acheva son coup de foudre pour l’endroit. Les routes au beau milieu de la nature, les villes et villages… Le dépaysement était visible, malgré l’apparence de l’île proche de celle de l’endroit d’où elle venait. Dire que cela faisait presque 25 ans qu’elle était partie d’ici…
La vue de sa nouvelle demeure lui fit l’effet d’une claque. Elle se demanda pendant un cours instant si elle ne s’était pas trompée de quartier. Devant elle se trouvait une magnifique villa moderne. Le choc manqua de la faire lâcher ses valises. C’était vraiment ça, sa nouvelle maison ?
Il lui fallut du temps pour s’habituer à l’endroit. Elle ne sortit pas beaucoup les premiers jours, occupée à mettre en place ses affaires, et surtout, son lieu de travail, à savoir son bureau. Elle passa beaucoup de temps à travailler pour des entreprises ayant eu vent de sa réputation sur le début, afin d’avoir au plus vite des rentrées d’argent et de ne pas avoir à toucher aux sous que lui avait donné sa mère.
Cependant, au bout d’un mois, la jeune femme avait trouvé une organisation lui permettant de profiter de l’île tout en travaillant. Le bouche à oreille lui permis d’accumuler les demandes, et de gagner rapidement assez de sous pour vivre comme bon lui semblait. Cependant, malgré sa situation financière, Myeong Seong ne trouvait pas le luxe à son goût, et préférait s’aventurer dans les autres quartiers plutôt que de rester à Iwamune.
La vie allait donc parfaitement bien pour elle.
Cependant, un mois et demi après son arrivée, la jeune ingénieure reçut une étrange lettre. Une personne inconnue lui demandait de venir à un rendez-vous la semaine suivante.
De quoi pouvait-il bien s’agir ?…

Des criminels.
Des criminels dont la mémoire était effacée par les effets d’un sérum vivaient en liberté sur l’île.
Myeong Seong eut du mal à croire ce qu’on venait de lui dire. Elle resta adossée à sa chaise, les bras croisés, l’air à la fois surprise et méfiante. Pourtant, ce qu’on lui disait était bien vrai, et les preuves qu’on lui offrit achevèrent de la convaincre. L’île était devenue un immense laboratoire dont ces personnes amnésiques au passé noirci par le crime étaient des cobayes, et, comme tout bon laboratoire, il fallait des personnes pour surveiller ces cobayes. Apparemment, seuls des natifs de l’île étaient choisis, et se faisaient nommer les A.O.A.
La jeune femme baissa la tête et passa une main dans ses cheveux, confuse. Pourquoi diable auraient-ils besoin d’elle ? N’y avait-il donc aucun autre natif de l’île, ayant vécu ici plus longtemps qu’elle, qui se prêterait bien mieux à tout cela ? Ou alors l’avait-on choisi à cause de ses connaissances poussées en informatique ? Et puis, n’était-elle pas venue de base pour avoir une vie tranquille, paisible, sans rien pour venir la perturber ?
Myeong Seong lâcha un soupir exaspéré. Il semblerait qu’elle n’avait pas vraiment le choix, de toute façon. On lui demandait de l’aide, et elle se voyait mal refuser.
Elle se contenta alors de demander d’une voix calme ce qu’il fallait qu’elle fasse.

Un an plus tard, la jeune ingénieure ne regrettait pas spécialement ce qu’il s’était passé. Sa formation était terminée, on allait lui donner quelqu’un à surveiller, et elle aurait peut-être d’autres choses à faire, mais qu’importe. Cela ne l’empêchait pas de vivre, au contraire. Et puis, les affaires marchaient du tonnerre du côté du travail, et plus le temps passait, plus elle avait de temps pour elle.
Voilà plus d’un an que l’aikoyangienne était vraiment devenue aikoyangienne. Elle avait une maison, du travail, des projets, des amis, des hobbies, de la famille avec laquelle elle avait des contacts réguliers…
Que pouvait-elle demander de plus ?

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